Kandi. Encore une fois, sur l’espace d’une lieue -,
le Nil ne trouve plus d’obstacles : bientôt de
nouveaux rochers viennent embarrasser son
cours dans un intervalle de la même étendue,
puis se terminent en des bancs de sable et de
petites îles éparses que nous laissent apercevoir
les eaux basses. C’est, dit-on, cette longue traînée
de masses rocheuses qui oppose le plus d entraves
à la navigation. Après huit heures de
marche, nous campâmes à el-Gammra. Quelques
terrains en culture se montraient sur la rive opposée.
Nous avions vu ce jour-Ià, près de Kandi,
les barques de l’expédition. Depuis deux mois,
toutes les tentatives pour les conduire plus avant
avaient été vaines ; elles devaient rester là sta-
tionnaires jusqu’à la crue du Nil.1
Le lendemain 23, à six heures , l’armée se
mit en marche : à une demi-lieue de là , nous at-,
teignîmes une grande île formée de rochers élevés
; un canal étroit la sépare de la rive gauche.
Ici les eaux se font jour , en mugissant, à travers
les interstices d’une multitude d’autres rochers
qui leur barrent le passage. Nous suivions, à un
quart de lieue du fleuve , un petit bois d acacias ;
nous avions toujours à droite la chaîne granitique,
dont les sommets noirâtres , arrondis et
polis par le choc des sables et des eaux, se montraient
de temps en temps. A huit heures, nous
étions sur le bord du Nil : il fait ici un petit
coude dans le sud-est ; beaucoup de gros rochers
paraissent encore à sa surface, mais sans intercepter
la navigation. L’un de ces rochers reçoit
le nom iïîle Doulgâ; il est très-éîevé : sur le
plateau qui le couronne , subsistent les ruines
d’une forteresse bâtie en terre.
Des roches de feld-spath verdâtre viennent,
sur ce point, s’entremêler avec celles de granit.
La route devenant icitrop difficile, nous rentrâmes
dans le désert ; mais les sinuosités qu’il nous fallut
décrire par des sentiers extrêmement raboteux,
ne rendaient pas le trajet guère moins pénible
pour nos chameaux. A onze heures, nous
jouîmes do la vue du Nil ; son cours était encore
ici embarrassé de roches : nous nous en écartâmes
de nouveau, et nous arrivâmes, après sept heures
de marche, à el-Kerbekân, lieu de notre station.
C’est une espèce de bassin entouré de rochers
élevés, où séjournent les eaux du fleuve. L’armée
ne put y établir ses tentes ; l’emplacement,
beaucoup trop petit, obligeait de se tenir les
uns sur les autres. M. Letorzec et moi, vêtus à
l’Osmanli, nous étions encore peu connus dans
il. 6