je ne pouvais m’écarter à une grande distance,
retenu que j étais par la crainte d’être exposé
aux insultes des naturels , et par la nécessité de
donner des soins assidus à tous les malades que
j’avais chez moi.
M. Frédiani, voyageur italien, fut atteint d’une
violente fiè vre, qui le priva presque aussitôt de ia
raison. Dans sespremiers accès de folie , il jeta au
feu toutes les notes qu’il avait recueillies depuis
dix-huit mois. Dès qu’il éprouvait des intervalles
lucides, il se désespérait d’avoir perdu ses manuscrits,
et le souvenir de les avoir détruits lui*
même le faisait retomber de nouveau dans le
délire. Le pacha, touché de fétat de ce voyageur,
lui procura tous les secours que des médecins
tels que les siens pouvaient donner ; il mit dé
son côté tout en oeuvre pour le rappeler à la
raison. Comme il connaissait son caractère, il
le combla d honneurs et allait le voir souvent.
Frédiani lui demanda des habits ; le prince
n’avait que quelques rechanges de ceux qu’il
portait, et il lui en envoya. On vit alors cet
infortuné, couvert des vêtemens du prince et
se disant le pacha, s’enfuir dans la rué et y
faire mainte folie. Le prince lui prodigua tous
les secours qui étaient en son pouvoir; il lui
envoyait des plats de sa table, des officiers,
des feaouâs pour le servir chez lu i, et de l’argent
presque à discrétion. Frédiani était poète, et avait
eu déjà, dit-on, des absences d esprit.
Un jour que je chassais des oiseaux, à une
lieue du Sennâr, sur la route de Taybah, le
hasard offrit à mes yeux’ le fameux scarabée
sacré des anciens Égyptiens. Cet insecte est d un
vert parfois éclatant ; son corselet est nuancé
d’une teinte cuivreuse à reflet métallique ; ce
qui se rapporte parfaitement à ce que disent
Horapollon * et Élien ** , qu’il était doré et
rayonnant. Ce scarabée est fidèlement représenté
dans les peintures de plusieurs monumens ;
et sur les caisses de momies les plus anciennes,
je l’ai toujours vu colorié en vert, et jamais en
noir. Cependant, un scarabée qui se trouve
aujourd’hui en Égypte, et qui a cette dernière
couleur, a été regardé par les modernes comme
le vrai scarabée sacré. Cette opinion, selon moi,
peut se soutenir aussi : n est-il pas vraisemblable
que l’espèce verte qui s’est conservée en Ethiopie,
se soit éteinte dans l’Egypte par succession de
temps, et qu’à une époque moins reculée, on
* Hiéroglyphes dits d’Horapolle, chap. x.
* * Histoire des animaux , liv. iv, chap. x l ix .