uns la parole ; mars le moment était peu convenable
pour les questionner. L’un d’eux me
demanda en mauvais arabe ce que l’on ferait dé
sa femme et de ses enfans, dont on lavait séparé,
et qu’il me montrait enchaînés comme lui. L’infortuné
! il ne savait pas à quelle déplorable
condition ils étaient tous désormais destinés ! II
ne savait pas que ces liens de famille, dont il
est impossible que le charme ne se fasse pas
sentir au coeur de l’homme sauvage lui-même,
étaient dès ce moment rompus pour eux! Comme
moi il eût frémi sans doute, en apprenant qu’à
leur arrivée en Egypte , si toutefois ils ne succombaient
pas aüx fatigues du voyage, lui et ses
compatriotes seraient contraints de se faire
soldats, et que leurs femmes, leurs enfans,
vendus à l’encan comme un vil bétail, seraient
pour jamais arrachés à leurs embrassemens !
Le 29 décembre, à cinq heures et demie,
l’armée se dirigea dans l’est vers le fleuve. II nous
tardait déjà de le revoir: nous étions dégoûtés
de boire de la mauvaise eau stagnante et parfois
corrompue. Après avoir traversé une plaine
herbeuse, nous entrâmes à sept heures dans un
bois de petits acacias, d’où nous débouchâmes
à neuf heures dans une seconde plaine : ôn rencontra,
une heure après, un torrent de 30 mètres
de largeur environ, dont les bords sont couverts
de grands doums, d’acacias, de nebkas, de tamariniers
et autres arbres. On s’enfonça de nouveau
dans un bois, ou le sol était montueux. Les
troupes se dirigeaient sur la grosse montagne de
Gargadah, que nous avions dans l’est. A onze
heures et demie, nous franchîmes un autre torrent
plus petit, puis continuâmes à marcher dans le
bois. A midi, une quantité prodigieuse de nids d’oiseaux
qui couvraient tous les arbres, attirèrent
notre attention : l’entrée de ces nids est sur le côté,
comme la porte d’une maison, sans doute pour
éviter que la pluie ne pénètre à l’intérieur ; ils
sont suspendus au-dessous des branches, comme
ceux des toucnam-courvis, ce qui augmente la
difficulté de les construire. Les rameaux s’affaissaient
sous le poids de ces petites habitations ;
j’en comptai quarante sur un très-petit arbre.
A une heure, nous étions sur une,plaine d’une
lieue d’étendue, que nous quittâmes pour entrer
encore dans un bpis d’acacias et de nebkas.
Bientôt un ravin, de 20 mètres de largeur et de
6 de profondeur, vint nous barrer le passage;
la hauteur de ses, bords nécessita l’ouverture
d’une tranchée : on y lança aussitôt les chameaux,