autour du camp, dont les sentinelles devaient
toute la nuit, de dix minutes en dix minutes,
s’avertir entre elles par un cri convenu.
J ’avais entendu plusieurs fois, au moment
du tumulte, quelqu’un m’appeler par mon nom
de Mourad-Effendy : c’était un envoyé d’Ismâyl
qui me cherchait. Je me rendis à sa tente, le
fusil en main, car personne ne quittait íes armes :
je le trouvai lui-mème armé, son cheval sellé et
bridé. II me dit qu’iï avait voulu sortir d’inquiétude
sur ce que je pouvais être devenu. II me
demanda ensuite si je pensais qu’au jour il retrouverait
les nègres sur la montagne; Je crus
pouvoir affirmer qu'ils ne seraient pas assez dupes
pour l’attendre: en effet, le 27, on les chercha
vainement; iis étaient déjà tous sur leurs montagnes.
Ismâyl venait d’acquérir la preuve que ses
tentatives contre les malheureux nègres ne seraient
couronnées d’aucun succès dans un pays
où chaque montagne, chaque hois, étaient pour
eux autant de remparts inexpugnables. Il renonça
donc à parcourir sans fruit ces lieux agrestes
et sauvages, pour revenir à Kilgou et prendre
la route du Fâzoql.
Le 27, on partit à une heure après midi. Mes
chameaux fatigués restèrent en arrière, et nous
nous trouvâmes parmi les traîneurs. La nuit
venue, nous perdîmes quelque temps les traces
de l’armée; cette circonstance nous inquiéta
fort, car notre troupe était peu nombreuse; nous
restâmés ainsi trois heures dans une perplexité
extrême, nous guidant avec peine et presque au
hasard au milieu de l’obscurité. Enfin, les feux
de l’armée, qui avait fait halte , nous servirent
heureusement de fanaux, et nous parvînmes à
la rejoindre. La traite de cette journée avait
été de huit heures et demie. Ismâyl avait établi
son camp vers la partie orientale de la montagne
de Kilgou, près du village de Matbar, dont les
habitans avaient pris fa fuite.
Nous passâmes ici la journée du 28. Le
pacha, à qui la Chasse aux nègres tenait infiniment
au coeur, voulut en tenter une sur la montagne
de Baguis, située à deux heures dans l’est.
Le détachement qu’il y envoya revint le soir
avec cinquante esclaves, hommes et femmes, les
bras fiés /derrière le dos; les moins soumis«
étaient conduits avec des fourches de bois qui
les tenaient par le cou {voy. pl. Il et III, vol. I ).
On fit asseoir ces pauvres gens devant les pièces
de canon. J ’allai les voir, et adressai à quelques