Depuis Marakah, nous avions traversé plusieurs
hameaux, composés de quelques cabanes
ïa plupart en paille, éparses, et entourées de
verdure et d’acacias : on les nomme Arguy,
Irtidi, Korneh , Oukneh et Kajatteh , ie plus
grand des cinq. Après trois heures de marche,
nous vînmes camper à Sortot, village bâti en
terre sur le bord du fleuve, et entouré de murs :
c’est la résidence du cheykh Mahammed, qui y
commandait avant l’arrivée de l’armée ; c’était
aussi celle de Mahammed bey Fanfou , ancien
mamïouk.
Le 28-, on partit à 8 heures : nous passâmes
à Guesmareh, et trois quarts d’heure après à
Hannak, grand village ruiné et désert, situé sur
un rocher qui domine le fleuve. On y voit de
hautes murailles en terre (briques crues), restes
d’une forteresse que je jugeai être un ouvrage
musulman ; quelques fragmens de colonnes antiques
s’y font remarquer. Sur notre droite, nous
aperçûmes beaucoup de santons épars dans des
monticules de grès. A i l heures, nous arrivâmes
à Sabaâ, lieu habité, qu’entourent beaucoup
d’acacias. Nous laissâmes derrière nous plusieurs
îles et autres lieux que l’on trouve indiqués sur
la carte. Un petit groupe d’habitations construites
en pierre et abandonnées s’offrit à nous
sur le côté droit de notre route : nous nous y arrêtâmes
une heure et demie pour prendre quelque
nourriture. Lorsque nous voyagions seuls,
chacun de nous, pour ne pas perdre de temps,
déjeûnait sur son chameau ; ce repas consistait
quelquefois en tourterelles froides, e t, à
défaut de dattes, en ognons crus; ces bulbes
potagères sont très-douces ici, et l’on en mange
avec plaisir , pour peu qu’on aime les ognons de
nos climats.
Nous trouvâmes encore des ruines d’habitations
semblables aux précédentes. Suivant la
tradition du pays, ces habitations auraient été
construites par les anciens Coptes ; mais les Musulmans
ayant aussi occupé cette contrée, et
construit dans le même genre, on ne peut savoir,
et la chose importe peu, à qui attribuer le mérite
d’avoir bâti ces misérables bicoques. Tant de
lieux aujourd’hui inhabités , tant de terres incultes,
sont l’indice de quelque grande calamité,
qui, à des époques antérieures, a porté le ravage
parmi la population de cette contrée.
Une multitude d’acacias bordent ici le fleuve.
En face de Tarahym est la presqu’île de Guertot,
«ouverte de jeunes arbres : la partie orientale du