souvent sur le bord même. A dix heures, il tomba
une averse , accompagnée de quelques forts
coups de vent du sud; Je tâ t nébuleux du ciel
faisait craindre pour les poudres, qui n’étaient
point suffisamment à couvert. Comme iï est dans
le caractère des Turcs de causer froidement,
même sans motif, le désastre et les malheurs
d autrui, quelques soldats s’amusèrent à mettre
le feiî à un village abandonné. L’incendie se
communiqua promptement à un autre qui était
voisin, et qui devint aussi la proie des flammes,
à la vue des habitans éplorés. qui poussaient des
cris de désespoir. Cette atrocité gratuite demeura
impunie, le pacha n’ayant pu découvrir
les coupables.
A onze heures, un coup de canon avertit de
s’arrêter. On se trouvait sur un territoire appelé
Ouâdy el-Halfây , du nom d’une petite ville
située au sud, sur la rive droite du Nil; nous
avions devant nous Manati, île habitée et cultivée.
On passa ici la journée du 23. Nous n’étions
qu’à quelques heures d’Halfây : le pacha m’invita
à aller en avant le lendemain matin, avec
deux de ses officiers, afin de choisir un emplacement
convenable pour faire camper l’armée, son
intention étant de séjourner quelque temps dans
ce lieu. Je laissai mes bêtes de charge ; et le 24,
au lever de la lune, à une heure et demie du
matin, montée sur nos dromadaires ,• nous nous
enfonçâmes dans un petit bois d’acacias; nous
en sortîmes à quatre heures et demie pour côtoyer
le fleuve. A six heures, nous étions en
face d’Halfây, près duquel est une île de sable.
Là nous attendîmes l’armée, qui arriva après six
heures et demie de marche.
Le 25 mai, nous nous aperçûmes ici de la
crue du fleuve : il avait augmenté de 8 centimètres
dans la nuit du 24 ; mais' depuis le 20 ,
son accroissement était sensible. Je voulus passer
le Nil pour visiter la ville d’Halfây ; il ne s’offrait
pour cela à ma disposition qu’une misérable
barque du pays, tout aussi grossièrement construite
que celles du Dongolah. Au quart de la
traversée, la quantité d’eau qui pénétra tout-à-
coup dans notre frêle embarcation la mit en
grand danger de couler bas : un des rameurs
ferma aussitôt l’ouverture avec le pied , tandis
qu avec nos mains et des morceaux de calebasse
nous vidions l’eau en toute hâte. La plupart des
passagers, pleins d’effroi, criaient aux rameurs
de retourner à te rre, ce qu’ils firent ; huit personnes
débarquèrent : je restai avec un phar