maux. M. Letorzéc, quoique faibïe et souffrant,
en fut quitte, ainsi que moi, pour quelques
légères contusions ; et nous dûmes bénir notre
étoile d’être sortis à-peu-près sains et saufs de
ce gouffre où tant d’autres venaient de laisser
la vie.
Nous n’étions qu’à deux heures des montagnes
d’Aqarô, que nous avions en face de nous :
Ismâyl eut la prudence de ne pas en approcher
de plus près, à cause de la nuit. Le 13, on se
mit en marche à six heures un quart, : après un
court trajet dans le bois, nous atteignîmes les
premières éminences d’Aqarô ; on eut ici à passer
un petit torrent. Nous continuions à longer une
chaîne de monticules, à l’est, lorsque nous trouvâmes
le corps d’un Arabe de notre armée, qui
était tombé entre les mains des nègres ; c’était
à dessein qu’ils l’avaient exposé ainsi sur notre
passage : ce malheureux était horriblement mutilé;
suivant un usage qui paraît être commun à
tous les nègres de ces régions, ils lui avaient
enlevé les attributs de la virilité, et l’avaient criblé
de coups de lance, comme si chacun d’eux eût
voulu se procurer le plaisir de frapper le corps
d’un blanc. Cet Arabe était du Fayoum ; un de
ses camarades de tente nous dit que, la veille,
en arrivant, le besoin de dourah l’avait fait s’écarter
du camp : en cherchant sa subsistance, il
avait trouvé la mort. Auprès de lui était son cha*
meau tué aussi, et dont une partie de la chair
avait été emportée. A 9 heures trois quarts,
nous étions au pied de la grosse montagne
d’Aqarô, où l’on campa. Les nègres, pleins d audace
, fiers de leur nombre et de la position de
leur retraite qu’ils croyaient inexpugnable,
avaient fait dire à Ismâyl, lors de son séjour à
Fazoql, que, s’il venait sur leùrs montagnes,
ils ïuf casseraient les jambes. On peut présumer,
d après cela, qu ils avaient eü avis des incursions
de ce pacha sur celles de Kifgou et de Tâby.
Pour mon compte, j’étais bien décidé à ne pas
l’accompagner cette fois, s’il lui prenait fantaisie
d’aller, en personne, les faire repentir de cette
bravade. Cependant, à la vue de l’armée, ils
commencèrent à changer de ton : ils envoyèrent
humblement dire qu’ils consentaient à se soumettre
et à payer un tribut. Ismâyl entra en
négociation âvec eux; mais cettecondescendance
n’avait pour but que de leur donner le change.
En effet * tandis qu’on était en pourpaïer, Haggi-
Hammed était déjà parti avec ses quatre cents
hommes pour bloquer le revers opposé de la
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