illusions du mirage offraient à nos yeux fascinés
des lacs où se réfléchissaient des bois d’acacias.
Le sol que nous parcourions était de grès. Quelques
montagnes s’élevaient dans le nord. A
partir d’eï-Fât, les deux rives du Nil sont
en partie incultes ; nous avions remarqué, non
loin de Deffâr, la petite île cultivée de Guidir-
Nârti ; Dabet-Mansour, lieu assez grand et cultivé
aussi; Artimoga, petite île; Hettayn, village
de quelque apparence, situé en face de l’île
fertile d’Assen-Nârti : la partie droite du fleuve ,
que nous suivions, offre peu de terres en culture.
Enfin nous passâmes à Koulout ; » et après six
heures de marche, nous fîmes halte à el-Kouri,
petit village composé de cabanes en paille. Le
dourah et l’orge étaient ici encore loin d’être
bons à récolter. Près des limites du Dongolah,
la plupart des habitans parlaient déjà arabe.
Le 6 février, à sept heures un quart, nous
nous remîmes en route en suivant d’un côté la
lisière des terres cultivées, et de l’autre celle
du désert. La plaine s’élève au nord et descend
au sud vers le N il, dont le cours se dirige ici
dans le nord-est. Sur la rive gauche , la plus
riche et la plus fertile, nous aperçûmes Enok,
Am-boukôn, Youra, et Korti, l’un des chefs
lieux de la province chaykyé. Après avoir traversé
un village abandonné nommé el-Bar-
sân, nous arrivâmes, à onze heures et demié, à
Karafât, près du N il, lieu où des Chaykyés
fellahs ou cultivateurs habitent quelques cabanes
en paille; des montagnes de grès dominent
au nord leurs terres cultivées. Nous
nous reposâmes ici trois quarts d’heure sous un
grand acacia d’une espèce différente de ceux
qui croissent en Egypte. Bientôt nous fûmes
accostés par plusieurs Chaykyés , qui tous parlaient
arabe : l’un d’entre eux marchait avec
une béquille et n’avait plus d’oreilles ; il me dit
qu’il les avait perdues à la bataille de Korti. Curieux
de connaître les détails de sa mésaventure,
je l’engageai à s’asseoir et à prendre le café; et
voici ce qu’il nous raconta ensuite.
II était du nombre de ces malheureux qui,
fanatisés par leurs cheykhs, s’avancèrent, la plupart
sans armes, contre les T urc s, s’imaginant
qu’ils n’auraient qu’à s’emparer de ceux-ci et à
les enchaîner. Cependant, les premières décharges
de l’armée turque abattirent une foule
de ses camarades, et lui-même il fut atteint d’un
coup de feu à la cuisse : il avait encore la force
de rester sur ses pieds; mais se voyant presque