elles firent, en avançant, des décharges réitérées.
Les soldats de Bâdy, portant la lance renversée
vers la terre, marchaient derrière. En
arrivant, le pacha fit tirer douze coups de canon
: le soir, un grand nombre de fusées et
plusieurs bombes achevèrent de montrer aux
habitans les effets de sa puissance. Dès ce jour,
le pacha nomma Bâdy çheykh du pays : cet emploi
consistait à faire rentrer, moyennant une
retenue à son profit, les tributs à payer au pacha.
Les méliks de Barbar, de Chendy et d’Ouâd-
» avaient reçu le meme pouvoir dans
leurs provinces ; ces deux derniers étaient à la
suite du pacha, qui semblait les garder avec lui
comme otages.
Ismayl fit préparer une expédition de quatre
cents hommes de cavalerie et deux pièces de
canon, commandée parHaggi-Hammed/qu’accompagna
le sélektar. Ils partirent le 18 juin
pour le Bouroum, province au sud-ouest de Sennâr.
Le but de cette expédition était de s’empa- «
rer des nègres les plus voisins, avant que la
nouvelle de l’occupation de la capitale ne les
fît s’éloigner dans les montagnes. Le 21, je vis
arriver un détachement des troupes de Haggi-
Hammed, conduisant quatre cents de ces malheureux,
hommes, femmes et enfans. Exténués
de fatigue et de besoin, ils avaient manqué d’eau
et de nourriture ; plusieurs avaient péri en route.
Les hommes étaient séparés de leurs femmes ;
des enfans à la mamelle, qui semblaient dévorer
le sein tari de leur mère, poussaient des cris dé-
chirans. Ces pauvres gens imploraient en sanglotant
de quoi étancher leur soif ; et leurs gardes
n’étaient attentifs qu’à resserrer leurs liens. Ce
tableau était affreux ! ce fut avec une bien douce
satisfaction que je fis procurer à plusieurs de
l’eau pour se désaltérer.
Les infortunés ! ils ne savaient comment m’exprimer
leur reconnaissance pour un service si
léger, si naturel. Le pacha était hors de la ville;
à son retour, il observa que ces esclaves étaient
en partie des vieillards et des mères avec leurs
enfans; voisins du Sennâr, presque tous étaient
dailleurs de la religion mahométane : il ordonna
généreusement qu’on les remît en liberté. Combien
cet ordre me fit plaisir! Je me hâtai de
couper m* oi*-même les cordes qui garrottaient ces
malheureux. Je jouissais de leur contentement;
j’étais attendri en voyant couler des larmes sur
leurs visages rayonnans de joie. Ils retournèrent