là, on rencontra un petit torrent, puis un autre
à peu de distance : ce n’était jamais sans perte
de temps et sans beaucoup de peine que l’on
parvenait à franchir ces obstacles. A 9 heures
trois quarts, nous cheminions entre deux petites
montagnes bien boisées : là je restai trois quarts
d’heure avec Ismâyl, l’armée défilant toujours
avec beaucoup de lenteur ; depuis que j’avais
un cheval et M. Letorzec sa mule, nous pouvions
suivre Favant-garde, ce qui nous procurait l’avantage
de faire une petite pause vers le milieu du
jour. Un tfollième torrent vint bientôt entraver
notre marche. A midi, on rencontra quelques
champs de dourah, qui furent ravagés en un
clin-d’oeil par les chameaux et les troupes. A une
heure, s’offrit encore un grand torrent nommé
Baba, au-delà duquel l’armée établit son camp,
après 6 heures et demie de marche. Ce torrent
avait ici quatre-vingts pas de largeur; ses bords,
élevés de 8 à 10 mètres, étaient couverts d’arbres
touffus : il était à sec, excepté sur une certaine
étendue , où Feau séjournait entre des rochers.
Ce torrent, me dit-on, venait, comme beaucoup
d’autres, de Dâr el-Mokadah (FAbyssinie), et
allait aboutir au Tournât, à la hauteur d’Adâssi
dans le Fazoql. Les difficultés que les troupes
eurent pour le passer furent inouies ; on commença
à s’y engager à une heure, et l’on ne finit
d’en sortir qu’à la nuit. Les chevaux s’en tiraient
encore facilement ; mais il n’en était pas ainsi des
chameaux, qui ne pouvaient tenir pied ni en
descendant, ni en montant, sur les parois escarpées
et rocheuses de cette espèce de précipice;
on manquait de cordes et de tout ce qui aurait
été nécessaire pour leur faciliter ce trajet périlleux
: un seul chameau qui venait à s’abattre
interceptait le passage ; et ceux qui le suivaient,
déjà lancés, culbutaient les uns sur les autres ;
leurs guides étaient blessés, écrasés ; l’homme
qui avait le malheur de se laisser tomber, était
foulé aux pieds sans qu’il fut possible de s’arrêter
ni de lui porter aucun secours. C’était un bruit ,
des cris, une confusion que je ne saurais peindre.
Les nègres idolâtres s’étaient déjà emparés de
quelques traîneurs; ils occupaient tous les lieux
voisins de ce pas difficile; nous nous trouvions
pour ainsi dire au milieu d’eux. La crainte de
rester en arrière et de tomber entre leurs mains
excitait les Turcs à se hâter; tous voulaient se
devancer les uns les autres. On conçoit aisément
qu’au milieu de cette épouvantable confusion,
il dut périr un grand nombre d’hommes et d’ani-
II. 26