chargeait avec une agilité et une vigueur étonnantes;
les Turcs pliaient déjà sur l’arrière; la
victoire fut un moment incertaine. Mais l’intrépide
A’bdin bey , avec un petit nombre des
siens, chargea trois fois avec tant de force, de
valeur et d’habileté, qu’il parvint à couper la
cavalerie chaykyé. Toujours à la tête de sa
troupe , et s’exposant aux plus grands dangers ,
il tua de sa main plusieurs Chaykyés, culbuta
l’ennemi et resta vainqueur sur le champ de bataille.
Le pacha, de son côté, donna des preuves
d une intrépidité rare et d’une grande présence
d’esprit. La bataille atait duré près de trois
heures. Les Bédouins et les Mohgrebins s’étaient
vaillamment comportés. Haggi-Hammed et A’bdin
bey dispersèrent la cavalerie ennemie, qui,
favorisée par l’approche de la nuit, échappa aux
poursuites en s’enfuyant dans le désert : elle était
forte de mille hommes et n’avait, pas éprouvé
une perte considérable. La fureur des Turcs
n’eut à s’exercer que sur l’infanterie, composée
d’un ramas de misérables cultivateurs, dont les
guerriers chaykyés s’étaient fait un rempart. Le
nombre en était de deux mille cinq cents : ces
pauvres gens, la plupart sans armes, fanatisés
par un prétendu saint qui leur avait persuadé
que les balles ne tuaient point les vrais croyans,
étaient accourus, avec une confiance aveugle,
se précipiter sous le feu des Turcs. Tous, comme
nous l’avons déjà dit, s’étaient munis de cordes
pour enchaîner les Turcs, dont ils ne supposaient
pas avoir à redouter une résistance sérieuse.
Enfin la crédulité de ces malheureux
était poussée au point qu’après le combat on
en vit quelques-uns, pleins de l’intime conviction
qu’ils s’étaient rendus invisibles par leurs
talismans et leurs sortilèges, pénétrer dans le
camp des Turcs avec une assurance telle, que
ceux-ci les prirent pour des gellabes, amis du
prince. Leur projet ne tendait à rien moins qu’à
s’emparer de ce prince et à le garrotter avec
leurs cordes. Enfin ils furent reconnus et arrêtés
au moment où ils approchaient de sa tente ; et
tout ce qui les surprit, ce fut que leurs amulettes
ne les eussent pas protégés jusqu’au bout. Interrogés
sur ce qu’ils auraient fait du pacha, s’ils
étaient parvenus à l’enlever , ils dirent qu’ils
l’auraient envoyé à son frère, de qui ils ont une
haute opinion comme le vainqueur des Wahabys.
On en vit d’autres, atteints de plusieurs balles et
pouvant à peine se soutenir, s’en moquer comme
d’une bagatelle dont ils se disaient sûrs de ne