tente. Je revins bientôt portant avec moi le traité
de Louis Patrin. J ’y lus au pacha, que soit au
Brésil, soit dansFInde, les diamans s’étaient toujours
trouvés à-peu-près à la même distance de
Féquateur, c’est-à-dire, par le dix-huitième degré ;
et que, d’après cette considération, on pouvait,
par analogie, conjecturer quil en existe dans les
contrées de F Afrique* qui sont sous la meme latitude.
A l’aide de la carte de Bruce, je lui expliquai
ce que c’était que des degrés, et je lui fis
voir sur Cette carte la position du lieu où nous
nous trouvions. II parut de nouveau satisfait, et
dit en arabe ce que j’avais déjà prévu, que la saison
des pluies allant bièntôt arriver, I armée ne
s’arrêterait pas à Ghendy. Mais quelle fut ma surprise,
quel fut mon ravissement, lorsqu’il ajouta
qu’il consentait à ce que je prisse le devant, et
qu’il allait me donner quelques soldats pour m?es-
corter ; que j’aurais ainsi le temps de m’assurer
si la nature du sol de cette province offre quelque
indice qu’il y existe des diamans ; qu’au
reste il vfrrait avec plaisir que je m’occupasse en
même temps des travaux scientifiques qui m’intéressaient.
Je priai le pacha de ne point se priver
en ma faveur d’aucun de ses soldats. Ces
hommes eussent été dçs témoins importuns qui
m’auraient embarrassé dans mes excursions ; çar
on se doute bien que la recherche des diamans,
qu’Ismâyl avait tant à coeur , était celle qui occupait
le moins mon esprit. Le prince jugea à
propos que nous prissions des noms de Turcs,
puisque nous devions passer pour tels. La chose
me paraissant fort indifférente, je n’y fis point
d’objection. En conséquence, dans la lettre quil
me remit pour tous les chefs de villages jusqu à
Chendy, il nous donna, à moi, le nom de Mou-
rad Effendy, et àM. Letorzec, celui d'Abdalla
el-Faqyr, et ces noms nous restèrent depuis.
Lorsqu’en présence, des naturels nous nous entretenions
en français, cette langue était du turc
pour eux : les jambes nues, la barbe longue, la
tête rasée, la peau noircie par Faction du soleil,
habillés en tu rc , dormant à terre sur un tapis et
y mangeant comme eux, parlant un peu d’arabe ,
affectant de singer quelques-unes de leurs pieuses
momeries, c’était bien assez pour paraître à leurs
yeux de vrais Musulmans.
Ce fut le 21 seulement que je pus obtenir la
lettre du pacha ; le lendemain matin à sept heures
nous étions en route. Avec quel plaisir je m’avançais
vers une contrée encore inconnue en
partie! Nous suivions le Nil à trois et quatre
il. v 9