antipathie; aucun habitant ne voulait nous servir
à quelque prix que ce fût; il était impossible
dé trouverdautres domestiques; les principaux
officiers de farmée, qui étaient partis du
Caire avec quinze et vingt domestiques, chacun ,
n’en avaient plus que trois ou quatre; le pacha
lui-même en manquait. Force était donc de se
suffire à soi - même ; tout le monde était dans
le mêrtie cas. Mon interprète fut celui qui me
causa le plus de tourment. Gomme M. Fré-
diani, il devint fou ; et sa frénésie fut portée à
un tel point, surtout la nuit, que je me vis
obligé de le lier sur son lit : je craignais, et j’en
avais eu*de nombreux exemples, .qu’il n’allât
se précipiter dans le fleuve. Un calme perfide
succéda à cet état d’irritation, et le malheureux
succomba miné par la fièvre. Ibrahym perdit son
premier médecin, qui mourut d’une fièvre inflammatoire
: il était Génois, et se nommait Scot. Le
pharmacien de ce prince eut plus' tard le même
sort. Un Américain avait précédemment .succombé.
La mort semblait vouloir tout moissonner
autour de moi;'déjà six Européens n’existaient
plus : parmi les personnes de distinction
qu’avait perdues Ismâyl, on comptait son khaz-
nadar, le colonel des Albanais, le khazné-katipy
[ trésorier ] et plusieurs kâchefs. Peu de temps
après, Ibrahym fut lui-même en danger dé périr.
Par une faveur spéciale de la providence / je
conservai toujours la santé, et j’eus le bonheur
de hâter par mes soins la guérison de mes Arabes.
J ’avais encore un peu de kina, que je réservais
en cachette : car le pacha en avait manqué pour
lui-même, et m’en avait fait demander à diverses
reprises. M. Letorzec se remit assez bien ; il ne
lui restait qu à recouvrer ses forces. L’approche
de la belle saison ranimait l’espérance dans nos
coeurs; et les préparatifs du départ pour les provinces
du sud me firent presque oublier tout ce
que j avais souffert : je ne songeai plus qu’au
plaisir de voir de nouveaux pays.
II. 21