jour, le tumulte du camp, les cris des Arabes,
des chameaux, des chevaux, des ânes , tout se
réunissait pour nous empêcher de clore la paupière.
Ah ! comme alors nous sentions tout le
prix de la liberté dont nous avions joui depuis
Asouàn jusqu’à la rencontre de l’armée ! Tranquilles
et maîtres de notre temps, nous pouvions
obéir à la nature en nous livrant à un
repos indispensable; moi, je pouvais observer,
examiner, questionner. Quel fruit retirer d’un
voyage fait à la hâte, presque toujours au milieu
des ténèbres? Sur cette route, il est vrai,
je n’avais à espérer la rencontre d’aucun monument
curieux : je fis donc tout ce qu’il m’était
permis de faire, c’est-à-dire qu’à la clarté de
la lune ou des feux, je notai “nos heures de
marche et les directions de la boussole. Le
terrain que nous occupions était couvert de
fragmens roulés de roches porphyritiques diversement
nuancées. Ils provenaient des montagnes
voisines , de formation granitique et
feld-spathique, mais que je n’eus point le loisir
d’explorer.
A sept heures du soir, quelques coups de
fusil annoncèrent l’approche du pacha : aussitôt
le signal du départ fut donné. Nous devions
céder notre place et les sources aux troupes
arrivantes, et marcher toute la nuit. En moins
de deux heures, quatre cents chameaux furent
chargés , et quatre cents hommes montèrent a
cheval. Malgré l’obscurité, malgré les fatigues
des journées précédentes, l’armée se mit en
marche à neuf heures et demie : elle sortit
de ce vallon, avec de grandes difficultés, par
des défilés scabreux et couverts de blocs de rochers
qui entravaient la marche des chameaux :
ces animaux, excédés, tombaient de toute part
sous le poids de leur charge; la chute d’un seul
suffisait quelquefois pour barrer le passage à
deux cents autres. On n’entendait que cris
confus ; les coups de bâton pleuvaient et sur les
bêtes et sur les conducteurs. Nous eûmes le
bonheur de nous retirer sans malencontre de
cette bagarre. On atteignit les arbres, et les feux
furent aussitôt allumés ; mais un vent assez fort
qui survint poussa les flammes sur des chameaux
chargés de bagages; les tentes d’Abdin
bey furent en partie brûlées ; on parvint cependant
à se garantir des atteintes ultérieures de
cet embrasement. Les caissons de poudre se
trouvaient heureusement en arrière ; ils durent
pourtant s’aventurer au milieu de cette four