100 VOYAGE À MÉROÉ,
spongieuse ; íes côtés et les deux bouts étaient
formés de planches : dans toute cette construction
il n’entrait ni clous ni chevilles ; toutes les
pièces en étaient réunies à l’aide de liens de peau.
Elle contenait six personnes; deux hommes avec
de petites rames en forme de spatules luttaient
à force de bras contre le courant que nous voulions
franchir ; íes rameurs n’avaient pas de points
d’appui sur le plat-bord de leur frêle embarcation,
et par conséquent fatiguaient beaucoup.
Nous nous dirigeâmes, après avoir débarqué ,
vers ie grand village d’el - Mekheyr, situé au
nord, à trois cents pas du fleuve; il occupe nord
et sud une étendue d’un quart de lieue. Les
maisons sont sur trois lignes, séparées par deux
larges rues ; elles sont en terre crue, et n’ont en
général qu’un rez-de-chaussée ; quelques-unes
seulement, en partie isolées les unes des autres,
et éparses sans ordre et sans alignement, ont
trois ou quatre pièces et sont surmontées le plus
souvent de terrasses avec des conduits pour l’é-
coulement des pluies; une cour, enceinte de
murs, est destinée aux animaux domestiques,
et il y a des espèces de petites étables où on les
met la nuit à couvert. Une ou deux pièces obs-
eures servent de magasins pour les provisions,
les vases à boire et autres ustensiles. Le luxe
de la chambre à coucher consiste dans le lit
conjugal : il est très-élevé et entouré de nattes
de paille, quelquefois très-fines et de diverses
couleurs. Une pièce est consacrée aux travaux
du ménage ; elle n’est souvent qu à moitié couverte
: c’est là que sont les pierres pour triturer
les grains ; le feu se fait contre une muraille ;
enfin c’est la cuisine proprement dite. Un grand
nombre de maisons ont des portes faites de
pièces de bois assemblées avec des lanières et
dans lesquelles il n’entre aucune espèce de ferrure;
la serrure elle-même est en bois et fixée
de la même manière. Le mécanisme de ces
serrures est dans le genre de celles d Egypte :
seulement, au lieu de pointes qui ferment le
pêne, ce sont des pênes plus petits qui retiennent
le gros. Le fer étant cher et rare dans le
pays, l’industrie des habitans sait ainsi aviser aux
moyens de se passer de ce métal.
Je rencontrai un médecin piémontais d’Ismâyl
pacha, et nous allâmes ensemble faire visite au
mélik Nâser-A’dyn : sa maison ne diffère des
autres que par la grandeur ; de vastes cours la
précèdent. Nous trouvâmes le mélik couché sur
son lit, souffrant des suites de quelques bles