montagne ; Omar kâchef s’était porté sur un
autre point ; et le kroussismé, avec sa troupe,
cernait la partie nord. A la vue de cette manoeuvre
hostile, les nègres reconnurent qu’Ismâyl
n’avait accueilli leur ambassade que pour íes
leurrer et ïes tenir dans une fausse sécurité :
ils ne songèrent plus qu’à se soustraire à ses
poursuites. La conformation extérieure de cette
montagne étant sèmbiable à celle de Kilgou,
ïes Turcs éprouvaient ïes mêmes difficultés pour
gravir sur ses flancs raboteux : s’ils avaient sur
ïeurs adversaires l’avantage des armes et de l’audace
| ceux-ci possédaient en revanche l’habitude
des localités et une agilité vraiment étonnante;
on les voyait courant pieds nus, et voltigeant
d’un rocher à l’autre dans des endroits inaccessibles
pour tout autre qu’eu x , lancer leurs
javelots contre les assaillans, et faire rouler sur
leurs têtes d’énormes quartiers de granit qui en
emportaient plusieurs à-Ia-fois. La montagne
était couverte sur tous les points d’arbres dont le
feuillage épais dérobait à la vue d’Ismâyl l’ensemble
des manoeuvres de ses troupes ; nous
pûmes seulement distinguer, à l’aide d’une longue-
vue , qu’elles avançaient avec beaucoup de lenteur.
Enfin, une partie arriva au village situé
près du sommet, dans la partie sud, et y prit
quelques nègres et plusieurs femmes : les autres,
pour s’échapper,' se pôrtaient en foule vers le
nord-ouest de la montagne. Des que le pacha
s’en fut aperçu, il fit jouer l'artillerie de ce côté-
là pour couper le chemin aux fuyards ; mais
cette précaution fut inutile, et ils passèrent
malgré les boulets et la mitraille. Les soldats
du kroussismé, craignant d’être atteints par ces
projectiles qu’ils entendaient siffler par-dessus
leurs têtes, n’osèrent plus avancer, et ne firent
rien pour arrêter les nègres, qui disparurent en
faisant pleuvoir sur eux une grêle de lances.
Alors les Turcs, ne rencontrant plus d’obstacles,
furent bientôt parvenus aux habitations, qui
furent, en un cïin-d’oeiï, pillées, saccagées et livrées
aux flammes. On évaluait à trois mille le nombre
des nègres qui se trouvaient réunis sur ce point :
on en prit une centaine, la plupart femmes et en-
fans. Les Turcs eurent quinze des leurs de tués
et vingt de blessés. Les soldats conduisaient leurs
prisonnières à l’effendy chargé des comptes,
qui devait leur payer une gourde d’Espagne
par tête. J ’allai voir ces malheureuses, que fon
garrottait comme des criminelles : elles montraient
une résignation qui ne pouvait leur être