Ce fut en 1788 que les élèves qui étaient sous Ie»
ordres de M. Barrai, ingénieur en chef des ponts
et chaussées, en Corse, reconnurent, sur la plage
de Taçaro, h demi-lieue environ de la mer, vers
le golfe de Valinco, dans la piève drIstria, non
loin d’un emplacement nommé la Stazzona, où
l’on voit des masses de granit ordinaire, le hloe
isolé de granit orhiculaire dont il s’agit, gissant
sur la terre dans laquelle il était en partie enfoncé,
et qui fixa leur attention ; ils témoignèrent leur
étonnement et leur admiration sur la beauté et la
rareté d’un tel granit, en présence de plusieurs
paysans corses, et se proposèrent d’en donner
sur-le-ehanip avis à leur chef, M. Barrai, qui cultivait
l’histoire naturelle, et formait une collection
des minéraux de la Corse ; mais à peine les
ingénieurs se furent-ils retirés, que les paysans,
qui les avaient entendu s’extasier sur cette pierre,
commencèrent a la dépecer ; et comme ils
savaient que M. de Sionville, commandant à iSar-
tène, avait son fils aîné capitaine dans le régiment
d’Alsace, qui se livrait à l’histoire naturelle,
ils lui en portèrent plusieurs morceaux.
Il en fut si étonné, qu’il envoya un piquet de
soldats pour empêcher les paysans qui y accouraient,
de détruire le bloc. M. Barrai s’y rendit
de son côté, et il étoit bien juste qu’il en eut de
Beaux échantillons; il en envoya plusieurs morceaux
en France, pour le faire connaître.De son
côté M. de Sionville en fit parvenir un des plus
gros morceaux, à M. le prince de Condé, pour
sa collection de Chantilly. Ces détails m’ont été
donnés par un de mes frères, capitaine dans le
régiment de Barrois, en garnison alors en Corse,
qui m’en expédia un échantillon du poids de
dix livres, j’en fis faire les belles plaques qui sont
dans ma collection. De son côté, M. de Sionville
m’en fit présent d’un morceau, et me donna une
notice de sa main et signée de lu i, conforme à
peu de chose près à ce qui vient d’être d it, à l’exception
que comme il fut instruit presque aussitôt
que M. Barrai, il crut pouvoir, dans cette notice
que je possède, se regarder comme le principal
auteur de la découverte; mais il se trompait,
M. Barrai y a pour le moins autant de droit, puisqu’il
s’y rendit avant lui, d’après l’avis de ses ingénieurs
qui, en rigueur, ont reconnu les premiers
le bloc, pesant au moins deux cents livres. M. de
Sionville, qui fit un voyage à Paris, en 1804,
étant pour lors général de brigade et commandant
à Bruxelles, et ensuite à Dijon, où il est
mort il y a peu de temps, apporta avec lui un
gros morceau de ce granit, qu’il céda à un haut
prix à M. Dedrée, et dont celui-ci a fait faire, par
M. Baleu, très-habile artiste en pierres dures, le
beau vase d’un pied six pouces de hauteur, qui
forme un des principaux ornemens de son riche
et précieux cabinet.