i6o DES ROCHES GRANITIQUES,
tion, ont unanimement reconnu que ce calcaire
tenait au même système de formation, que celui
des granits et des porphyres; mais comme son
origine présentait de très-grandes difficultés, à
une époque surtout où l’art d’observer n’était pas
aussi avancé, et où les sciences chimiques et physiques
n’avaient pas encore fourni aux sciences
naturelles, les moyens et les ressources dont elles
les enrichissent à présent; il n’est point étonnant
que personne n’eùt encore tenté de franchir cette
barrière, et de fairè quelques pas en avant, en
se tenant, sur la ligne des faits : ceux - ci cependant
semblaient leur indiquer la route qu’ils pouvaient
suivre. Ainsi, supposons, pour un moment,
que l’on parvienne un jour à prouver cjue
la base des matières calcaires, la chaux, est le
produit immédiat des êtres organisés, ne serait-
il pas vrai alors que le calcaire qu’on trouve en
si grande abondance dans les régions granitiques
et porphy ri tiques, ainsi que la chaux combinée
qui est entrée dans la composition des feld-spaths,
ont une origine semblable ; n’en pourrait-il pas
être de même du fer, si ce métal était le produit
de la végétation ?
Alors, un nouvel horizon s’ouvrirait aux yeux
du géologue, qui ne verrait plus dans l’époque
de la formation des granits, qu’une catastrophe,
dont les résultats auraient été la destruction et la
dissolution complète des êtres organisés de toute
VUES GÉNÉRALES, 161
espèce, des êtres qui auraient vécu autrefois comme
ceux qui existent à présent sur la face du globe,
et dont les restes, depuis les ossemens des quadrupèdes
et autres animaux terrestres, jusqu’aux dépouilles
des poissons et des mollusques de l’antique
Océan; depuis les détritus des végétaux,
dont la soude et la potasse se retrouvent encore
dans les «feld-spaths, auraient concouru à la
formation de ces roches sur lesquelles nous n’avons
jamais osé porter qu’un regard timide.
Nous pourrons revenir peut-être quelque jour
sur cette importante matière, contentons - nous à
présent de faire remarquer que cette expression de
calcairè primitif étant indéterminée et va°ue, elle
a retardé singulièrement les progrès de la géologie,
en arrêtant le fil des idées, et en semblant
interdire a la pensée la faculté de discuter ce point
de fait qui tient a des vérités d’un si grand ordre.
Cependant, si des hommes instruits avaient eu
le noble courage de franchir ce pas en marchant
de faits en faits, en les discutant pour ainsi dire
un à un, en suivant avec persévérance leurs divers
résultats, la carrière serait ouverte depuis
long-temps, et les lumières qu’ils auraient pu ré-
pandie auraient éclairé la marche de ceux qui
seraient venus après eux; ce qui prouve évidemment
que l’influence des mots, chez la plupart
des hommes, est plus grande qu’on ne le croit ordinairement,
surtout lorsque nous la recevons dans
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