étendue en longueur. C’est là que les pêcheurs
vont les puiser avec des dragues ; et comme ces
coquilles ne sont point adhérentes, on les recueille
avec facilité. Un des plus anciens pêcheurs
me dit qu’il ne s’était jamais aperçu que le nombre
en diminuât, et que quoiqu’on en enlevât
chaque année de grands et nombreux chargemens,
il n’y paraissait pas. Comme j’étais à la Haye pendant
l’hiver, au commencement de la guerre avec
l ’Angleterre, les pêcheurs n’osaient guères s’exposer
alors à se mettre en mer; sans quoi je serais
allé plusieurs fois avec eux pour suivre le banc dans
toute son étendue, et en mesurer la longueur, la
largeur et la profondeur, si la chose eût été possible:
mais d’autres pourront le faire. Voilà donc
un fait remarquable qui prouve l’étonnante multiplication
de certaines espèces de coquilles dans
une mer bien différente, quant à la latitude, de
celle des tropiques.
La réunion de tant de coquilles de la même
espèce ; l’accumulation pour ainsi dire journalière
de la dépouille calcaire de ces corps organisés
, sur un fond qu’ils combleraient à la longue,
et où ils ont déjà formé un banc d’une grande
etendue ; le rappprochement des fragmens co-
quilliers que les vagues usent, et dont les molécules
viennent remplir les interstices et les vides
qui existent entre tant de corps ainsi réunis; la
compression qu’ils éprouvent ; le dégagement
des gaz qui émanent de la putréfaction des matières
animales qui s’y trouvent engagées; les combinaisons
qui peuvent en résulter : tout concourt
à démontrer qu’à la longue , et lorsque toutes les
circonstances sont favorables, de tels bancs co-
quilliers peuvent former des masses pierreuses
considérables et d’une grande solidité, qui doivent
leur origine à des corps organiques. Cet exemple
prouve donc que ce quia eu lieu autrefois peut se
renouveler, et a lieu encore de nos jours ; mais, je
le répète, ce n’est pas là, c’est entre les tropiques
qu’il faut aller admirer l’inconcevable fécondité
de la natüre.
Si l’on voulait se former encore une idée de
la prodigieuse multiplication des coquilles marines
même dans des climats moins favorables à
leur propagation, on n’aurait qu’à songer à cette
quantité véritablement extraordinaire d’huîtres
qui se recueillent et se consomment depuis Brest
jusqu’à Dieppe et au-delà ; si l’on réunissait seulement
toutes celles qui ont été transportées à
Paris depuis que cette grande capitale existe et
en fait de si fortes consommations, on aurait
de quoi en former une montagne. Au reste, on
pourrait avoir à ce sujet des données assez exactes
pour obtenir, par le calcul, des résultats très-
approximatifs sur la quantité de toises cubes que
produiraient ces dépouilles calcaires d’une seule
espèce de coquille bivalve, dont la consomma