passer de chaleur. Transportons - nous pour un
moment sur le rivage de la mer de Hollande, non
loin de la Haye.
Là, nous verrons qu’en face de Schevellmg on
fait la pêche presque journalière d’une espèce
de petite coquille bivalve, dont on charge une
multitude de barques, qui remontent les canaux
jusqu’à Leyde et y déposent leur chargement,
entièrement destiné à faire de la chaux ; car
c’est là principalement que l’on calcine ces coquilles
dans de grands fours qu’on chauffe avec
de la tourbe, et qu’on fait toute la chaux qui
sert chaque jour aux diverses constructions des
villes, des villages, des travaux hydrauliques et des
nombreuses habitations d’un peuple économe et
industrieux qui sait tout mettre à profit. J’ai vu au
pied des fours à chaux de Leyde, des approvi-
sionnemens si considérables de ces coquilles bivalves
, presque toutes d’une seule et même espèce
{mactra solida de Linné), qui n’est guère plus
grosse que l’ongle, qu’elles forment une suite de
monticules élevées qu’on renouvelle fréquemment
en raison de la consommation. Je fus fort étonné
la première fois que je vis ces grands amas d’une
même espèce de coquilles, que l’on pêche lorsque
l’animal n’y est plus; car sans cela l’air en serait infecté
, et je ne pus m’empêcher de dire a ceux qui
étaient avec moi : Y a-t-il une preuve plus frappante
de Vétonnante multiplication de certaines
espèces de coquilles, que ce que nous voyons
ici ; et si l ’on réunissait toutes celles qui ont
été converties en chaux depuis que Von en fa it
usage, n y aurait-il pas de quoi former une
grande colline, ou plutôt une montagne, entièrement
composée d ’une même espèce de coquillages
?
De retour à la Haye, je me rendis à la rade de
Schevelling, afin d’y prendre les renseignemens nécessaires
sur l’étendue qu’occupait'en merle banc
des coquilles en question. Je consultai le plus grand
nombre des pêcheurs, qui, lorsque la saison de la
pêche du poisson n’est pas favorable, vont charger
leurs barques de ces coquillages ; et l’on m’apprit
que c’est à une grande lieue en mer qu’est le banc
des coquilles destinées à faire la chaux : il occupe
une longueur de plusieurs lieues tout le long de
la côte, qui est de sable.
Les coquilles vivantes réunies, en avant des
coquilles mortes, forment un banc parallèle à
ces dernières , qui occupent la même longueur :
car lorsque les vivantes meurent naturellement
ou par des causes accidentelles, les vagues et la
marée les enlèvent et les entraînent vers le rivage ;
mais le reflux les ramenant à la mer, elles sont
arrêtées par le banc de celles qui sont vivantes et
qui se tiennent attachées au sol et réunies ert
familles, où elles forment une digue continue qui
a une largeur de plusieurs toises , et une grande
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