Je regrette beaucoup de n’avoir pas connu le mémoire de M. de La
Condamine avant mon voyage en Amérique : je suis bien éloigné de jeter des
doutes sur les observations de ce voyageur célèbre, que ses travaux ont forcé
de séjourner long-temps dans les environs du Canar, et qui a eu bien plus de
loisir que moi pour examiner ce monument. Je suis surpris cependant qu’en
agitant sur les lieux mêmes la question si le toit de cet édifice a été ajouté
du temps des Espagnols, ni M. Bonpland ni moi n’ayons été frappés de la
différence de construction que l ’on prétend exister entre le mur et le haut
du pignon. Je n’y ai pas reconnu de briques ( ticas ou adobes ) ; j ai cru
simplement y reconnoître des pierres de taille enduites d’une espèce de stuc
jaunâtre, facile à détacher, et enchâssant de Yichu ou de la paille coupée.
Le maître d’une ferme voisine, dont nous fumes accompagnés dans notre
excursion aux ruines du Canar, se vanta que ses ancêtres avoient beaucoup
contribué à la destruction de ces édifices : il nous raconta que le toit incliné
avoit été couvert non à l ’européenne, c’est-à-dire de tuiles, mais de dalles de
pierre très-minces et très-bien polies. C’est cette circonstance surtout qui me
fit pencher alors pour l’opinion, probablement erronée, qua 1 exception des
quatre fenêtres, le reste de l’édifice étoit tel qu’il avoit été construit du temps
des Incas. Quoi qu’il en soit, il faut convenir que l’usage des toits à angles
aigus auroit été bien utile dans un pays de montagnes dans lequel les pluies
sont très-abondantes. Ces toits inclinés sont connus aux indigènes de la côte
nord-ouest de l’Amérique; ils l’étoient même dans l’Europe australe, dans
les temps les plus reculés, comme l’indiquent plusieurs monumens grecs
et romains, surtout les reliefs de la colonne trajane, et les peintures de
paysages trouvées à Pompeia, et conservées jadis dans la superbe collection
de Portici. L’angle au faîte du toit est obtus chez les Grecs; il devient un
angle droit .chez les Romains, qui vivoient sous un ciel moins beau que celui
de la Grèce: plus on avance vers le nord, et plus les toits sont inclinés.
Le dessin dont la gravure se trouve sur la dix-septième Planche, a été
fait à Rome, d’après mon esquisse, par M. Gmelin, artiste justement célèbre
par son talent et par la variété de ses connoissances : pendant mon dernier
séjour en Italie ; il m’a honoré d’une amitié particulière, et je dois en
grande partie à ses soins ce qui, dans cet ouvrage, pourroit ne pas paroître
tout à fait indigne de fixer l’intérêt du public.