En effet, les divisions de l’écliptique que sir William Jones, Colbrooke et
Sonnerat ont fait connoître, diffèrent essentiellement entre eux. La flèche qui,
selon un auteur indien, est le huitième nakchatras, n’est que le vingt-troisième
d’après un autre auteur. Nous verrons même plus b a s e n parlant d’un
bas-relief romain décrit par Bianchini, que dans 1 Orient il existoit jadis des
zodiaques solaires qui avoient les mêmes signes, mais placés dans un ordre
différent. De plus, le retour du soleil des tropiques vers l’équateur, et le
phénomène de l’égale durée des jours et des nuits, devoient engager les
hommes à faire de grands changemens aux figures des nakchatras, lorsqu ils
en employèrent une partie pour former le zodiaque solaire.
Cette liaison intime entre les hôtelleries lunaires et les signes du zodiaque,
se manifeste encore dans les noms que les Hindoux donnent aux mois et aux
années. Ces noms, d’après les recherches curieuses de M. Davis *, ne sont
pas ceux des dodecatemoria du zodiaque solaire; ils sont tirés des nakchatras
mêmes, chaque mois portant le nom de la mansion lunaire dans laquelle la
pleine lune a liëu. Nous avons vu plus haut qu’au Tibet, en Chine et chez
les peuples tartares, chaque année des cinq indictiôns du grand cycle porte
le nom d’un des douze animaux du zodiaque solaire. Chez les Hindoux,
les années prennent le nom du nakchatras dans lequel se trouve Jupiter a
son lever héliaque. C’est ainsi qu'aswini (cheval), ou magha (maison), sont
les noms d’une année, d’un mois, et d’un ti thi ou jour lunaire, comme au
Mexique les signes tochtli (lapin), ou calli (maison), président, a la fois a
l’année, à la demi-lunaison et au jour.
Il résulte de l ’ensemble de ces considérations, cpie la division de 1 écliptique
en douze signes a tiré probablement son origine de la division en vingt-sept ou
vingt-huit mansions lunaires, et que le zodiaque solaire a été primitivement un
zodiaque lunaire, chaque pleine lune étant à peu près éloignée de la précédente
de deux nakchatras et un quart, ou de i 3° 207. C’est ainsi que la plus
ancienne astronomie des peuples se trouve fiée aux seuls mouvemens de la
lune. S’il arrive que les douze signes du zodiaque portent des noms qui
diffèrent totalemént de ceux des nakchatras, il ne faut pas en conclure que
les étoiles mêmes aient été distribuées d’après une double division. Dans 1 Asie
orientale, le zodiaque en douze signes n’a été, pendant long-temps, qu une
■ On the cycle o f sixty years. Asiat. Res., Vol. 5 , pag. 217— 261.
division abstraite tandis que lis-zodiaque én vingt-sept ou vingt-huit
nakchatras étoit seul un véritable zodiaque étoilé. J’ai cru devoir insister
sur la liaison intime qui existe entre les deux divisions de l ’écliptique, pour
faire voir que l'une et l’autre peuvent avoir donné naissance aux .signes du
zodiaque mexicain.
Examinons d’abord l’analogie qu’offrent les dénominations des jours mexicains
avec cèlles des signes .du zodiaque tibétain, chinois, tartare et mongol. Cette
analogie est frappante dans les huit hiéroglyphes appelés atl, cipactli, oçelotl,
tochtli, cohuatl, quauhtli, ozomatli et itzcuintli.
A tl, eau, est indiqué souvent par un hiéroglyphe dont les lignes parallèles
et ondulées rappellent le signe que nous employons pour désigner le verseau.
Le premier tse ou catastérisme du zodiaque chinois, le rat (chou) se trouve
aussi fréquemment représenté sous la figure de Y eau2. Lors du règne' de
l’empereur Tchouen-hiu, il y eut un grand déluge; et le signe céleste
hiuen - hiao, qui, par sa position, répond à notre verseau, est le symbole
de ce règne. Ainsi, observe le père Souciet dans ses Recherches sûr les cycles
et les zodiaques, la Chine et l’Europe s’accordent à représenter, sous des
dénominations différentes, le signe que nous nommons amphora ou aquarius.
Chez 1 es peuples occidentaux, l’eau qui sort du vase de Y aquarius ( £iiç<ç vtî'a.Toç)
formoit aussi une constellation particulière (&ft»p), à laquelle appartenoient les
belles étoiles Fomahand et Deneb haitos , comme le prouvent3 plusieurs
passages d’Aratus, de Geminus et du Scholiaste de Germanicus.
Cipactli est un animal marin4. Cet hiéroglyphe présente une analogie
frappante avec le capricorne que les Hindoux et d’autres peuples de l ’Asie
appellent monstre marin. Le signe mexicain indique un animal fabuleux,
un cétacée dont le front est armé d’une corne. Gomara et Torquemada5
l’appellent espadarte , nom par lequel les Espagnols désignent le narval,
dont la grande dent est connue sous le nom de corne de licorne. Boturini
a pris cette corne pour un harpon, et traduit faussement cipactli par serpent
1 B a illy , Ast. ind., p. 5 ; Astr. mod., Tom. ni, pag. 3oi.
’ Obs. malliéra. du P. Souciet, publiées par le P. Gaubil, Tom. ira, pag. 53.
' Idelbr , Sternnamen, pag. 197.
4 Gama, Descripc. histor.y cronoL de dos Piedras (Mexico, 1792), pag. 27 et 100.
5 Conquis tu, fol. cxix'. Mon. ind., Tom. n i, p. 223.