Madeleine et la chaîne orientale des Andes. Sur le devant on voit une troupe
de cargueros qui entrent dans la montagne. On y reconnoît la manière particulière
dont la chaise, construite en bois de bambousier, est bée sur les
épaules, et tenue en équilibre par un fronteau semblable à celui que portent
les chevaux et les boeufs. Le rouleau que l’on voit dans la main du troisième
carguero est le toit, ou plutôt la maison mobile dont le voyageur se sert
en traversant les forêts de Quindiu.
Lorsqu’on est arrivé à Ibague, et qu’on se prépare au voyage, on fait
couper dans les montagnes voisines plusieurs centaines de feuilles de vijao,
plante de la famille des bananiers, qui forme un nouveau genre voisin du
TbaHa, et qu’il ne faut pas confondre avec l’Heliconia bibai. Ces feuilles,
membraneuses et lustrées comme celles du Musa, sont d’une forme ovale,
et ont cinquante-quatre centimètres (vingt pouces) de longueur, sur trente-
sept centimètres (quatorze pouces) de largeur. Leur surface inférieure est
d’un blanc argenté et couverte d’une matière farineuse, qui se détache
par écailles. C’est ce vernis particuber qui les rend propres à résister longtemps
à la pluie. En les ramassant, on fait une incision à la nervure
principale, qui est le prolongement du pétiole : cette incision doit servir
de crochet pour les suspendre quand on voudra former le toit mobile ;
ensuite on les étend et on les roule avec soin en un paquet cylindrique. Il
faut un poids de cinquante kilogrammes de feuilles pour couvrir une cabane
dans laquelle couchent six à huit personnes. Lorsqu’au miheu des forêts
on arrive dans un endroit où le sol est sec, et où l ’on compte passer la
nuit, les cargueros coupent quelques branches d’arbre qu’ils réunissent en
forme de tente. En quelques minutes cette charpente légère est divisée en
carreaux par des lianes ou par des fils d’àgave placés parallèlement à une
distance de trois à quatre décimètres les uns des autres. Pendant ce temps,
le paquet de feuilles de vijao a été déroulé, et plusieurs personnes s occupent
à les arranger sur le treillage, de manière qu’ebes se recouvrent
comme les tuiles des maisons. Ces cabanes, construites à la bâte, sont très-
fraîches et très-commodes. Si pendant la nuit le voyageur sent pénétrer la
pluie, il indique l ’endroit où se trouve la gouttière; une seule feuille suffit
pour obvier à cet inconvénient. Nous avons passé plusieurs jours dans la