avant que ces peuples montagnards, qui tenoient à leurs habitudes avec cette
opiniâtreté qui caractérise les Chinois, les Japonois et les Hindous, sé fussent
élevés à la décomposition des mots, à l’analyse des sons , à l’invention d’un
alphabet!
Malgré l’imperfection extrême de l ’écriture hiéroglyphique des Mexicains,;
l’usage de leurs peintures remplaçoit assez bien le défaut de livres, de manuscrits
et de caractères- alphabétiques. Du temps de Montezuma, des milliers'dé
personnes étoient occupées à peindre, soit en composant à neuf, Soit en copiant
des peintures qui existoient déjà. La facilité avec laquelle on fabriquoitle papier,
en se servant des feuilles de maguey ou pite ( agave ) , contribuoit sans doute
beaucoup à rendre si fréquent l ’emploi de la peinture. Le roseau à papier
( Cyperus papyrus) ne vient, dans l ’ancien continent, que dans des-endroits
humides et tempérés : la pite, au contraire, croît également dans les plaines
et sur les montagnes les plus élevées ; elle végète dans les régions les plus
chaudes de la terre comme sur des plateaux ou le thermomètre descend
jusqu’au point de la congélation. Les manuscrits mexicains ( codicës mexicani)
qui ont été conservés, sont peints les uns sur des peaux de cerfs, les autres sur
des toiles de coton, ou sur du papier de maguey. Il est très-probable que
parmi les Américains, comme chez les Grecs et chez d’autres peuples de l’ancien
continent, l’usage des peaux tannées et préparées a précédé celui du papier : du
moins les Toltèques paroissent déjà avoir employé la peinture hiéroglyphique
à cette époque reculée à laquelle ils habitoient des provinces septentrionales,
dont le climat est contraire à la culture de l’agave.
Chez les peuples du Mexique, les figures et les caractères symboliques
n’étoient pas tracés sur des feuillets séparés; Quelle que fut la matière
employée pour les manuscrits, il est très-rare qu’ils fussent destinés à former
des rouleaux; presque toujours on les plioit en zigzag, d’une manière particulière,
à peu près comme le papier ou l ’étoffe de nos éventails : deux tablettes
d’un bois léger étoient collées aux extrémités, l’une par dessus, l’autre par
dessous; de sorte qu’avant de développer la peinture, l’ensemble offre la plus
parfaite ressemblance avec nos livres reliés. H résulte de cet arrangeaient,
qu’en ouvrant un manuscrit mexicain comme on ouvre nos livres, on ne parvient
à voir à la fois que- la moitié des caractères, ceux qui sont peints dun
même côté de la peau ou du papier de maguey : pour examiner, toutes les pages
(si toutefois on peut appeler pages les différens replis d’une bande qui a souvent
douze à quinze mètres de longueur ) , il faut étendre le manuscrit entier une
fois de gauche, à droite, et une autre fois de droite à gauche : Sous ce rapport,
les peintures mexicaines offrent la plus grande conformité avec les manuscrits
siamois que l ’on conserve à la bibliothèque impériale de Paris, et qui’ sont,
aussi pliés en zigzag.
Les volumes que les premiers missionnaires de la Nouvelle - Espagne
appeloient assez improprement des livres mexicains, renfermoient des notions
sur un grand nombre d’objets très-différens : c’étoient des annales historiques
de l’empire mexicain, des rituels indiquant le mois et le jour auxquels on doit
sacrifier à telle ou telle divinité * des représentations1 cosmogoniques et astrologiques,
des pièces de procès , des docùmens relatifs au cadastre ou à la division
des propriétés dans une Commune, des listes de tributs payables à telle ou telle
époque de l’année, des tableaux généalogiques d’après lesquels on .régloit les
héritages ou l ’ordre de succession dans les familles, des Calendriers manifestant
les intercalations’de l’année civile-et de l’année religieuse; enfin des peintures
qui rappeloient les-peines par lesquelles les juges dévoient, punir les délits. Mes
voyages dans différentes parties de l’Amérique, et de l ’Europe m’ont procuré
l ’avantage d’examiner un plus grand nombre de manuscrits mexicains que
n’ont pu le faire Zoega, Glavigero, Gama, l’abbé Hervas, l ’auteur ingénieux
des Lettere americane, le comte Rinaldo Carli, et d’autres savans, qui-, après
Boturini, ont écrit sur ces monumens de l’ancienne civilisation de l’Amérique.
Dans la précieuse collection conservée au palais du vice-roi, à Mexico, j ’ai vu
des fragmens de peintures relatives, à chacun des objets dont nous venons de
faire l’énumération.
On doit être frappé de l’extrême ressemblance que l’on observe entre les
manuscrits mexicains conservés à Veletri, à Rome, à Bologne, à Vienne et au
Mexique ; au premier abord on les crôirOit copiés les uns des autres : tous offrent
une extrême incorrection dans les contours, un soin minutieux dans lés détails, et
une grande vivacité dans les couleurs, qui sont placées de manière à produire
les contrastes les plus tranchans : les figures; ont généralement le corps trapu
comme celles des reliefs étrusques-; quant à la justesse du dessin, elles- sont
au-dessous de tout- ce que les - peintures des Hindous,. des Thibétains, des
Chinois et des Japonois offrent de plus imparfait. On distingue dans les peintures