et long-temps avant eux, Boulanger et Freret. D’après ce système', la longueur
de l’année est supposée de 365',25 : d’où il résulte que, depuis la réforme du
calendrier en 1091 jusqu’à l’arrivée des Espagnols, les Mexicains auroient dû
se trouver en erreur de plus de trois jours. Or, les recherches que Gama a faites
sur les éclipses de soleil du 23 février 14-77 7 ju*n qui sont indiquées
dans les annales hiéroglyphiques ; sur plusieurs époques mémorables de la
conquête, et sur les jours où, d’après les fastes mexicains, le soleil passe par
le zénith de Ténochtitlan, semblent prouver que cette erreur de trois jours
n’avoit pas heu, et qu’au commencement du seizième siècle, comme nous l’avons
observé plus haut, les dates du calendrier aztèque correspondoient mieux avec
les jours des solstices et des équinoxes, que celles du calendrier espagnol.
Sans connoître la longueur exacte de l ’année, les Mexicains auroient pu
rectifier de temps en temps leur calendrier, à mesure que des observations
gnomoniques les avertissoient que, dans la première année du cycle, les
équinoxes du printemps et de l ’automne s’éloignoient de quelques jours du
7 malinaUi et du 9 cozcaquauhtli. Les Péruviens du Couzco, dont l’aimée
étoit lunaire, régloient leur intercalation, non d’après l’ombre des gnomons,
qu’ils mesuroient d’ailleurs très-assidûment, mais d’après des marques placées
dans l’horizon pour désigner les points où le soleil se levoit et se couchoit le
jour des solstices et des équinoxes. Une intercalation périodique et exacte,
comme celle que les Persans ont connue depuis le onzième siècle, est sans
doute préférable à ces changemens brusques que l’on désigne sous le nom de
réformes du calendrier; mais une nation qui, depuis des siècles, emploieroit
un mode d’intercalation très-imparfait, poùrroit cependant conserver l’accord
entre son calendrier et célui des peuples les plus policés, si, conduite par
l’observation directe des phénomènes célestes , elle changeoit de temps en
temps le commencement de son année. L ’histoire mexicaine, dans ses annales,
n’offre aucune trace de ces changemens brusques ou de ces intercalations
extraordinaires. Depuis l’époque célèbre du sacrifice de Tlalixco, le calendrier
n’avoit subi aucune réforme; l’intercalation se fit uniformément à la fin dé
chaque cycle ; e t, pour expliquer- comment quatre siècles n’avoient pas suffi
pour produire une erreur sensible dans la chronologie, M. Gama admet que
les Mexicains n’intercaloient que vingt-cinq jours tous les cycles de cent quatre
ans cehuehueliliztli, ou douze jours et demi à la fin de chaque cycle de
cinquante-deux ans, ce qui fixe la durée de l’année à 365*,240. Il croit pouvoir
conclure du récit même des historiens du seizième siècle, que la fête séculaire
se célëbroit alternativement le jour et la nuit, et que si les années d’un cycle
commençoient toutes à minuit, celles d’un autre commencoient toutes à midi.
Ne pouvant pas examiner les ouvrages écrits en langue mexicaine,: je ne suis
point en état de prononcer sur la justesse des idées de M. Gama. Les raisons qu’il
allègue dans sa dissertation sur les monumens découverts en 1790 , ne me
paroissent plus aussi concluantes que je les ai crues autrefois, avant d’avoir
pu faire une étude approfondie du calendrier < mexicain. Lorsque sest héritiers
auront obtenu les moyens de faire imprimer son traité de Chronologie toltèque
et aztèque, il sera plus facile de juger du vrai nombre des jours intercalaires.
Les travaux astronomiques de Gama, dont nous avons eu occasion de vérifier
l’exactitude, doivent d’ailleurs inspirer beaucoup de confiance, et il est probable
qu’un savant qui a eu la patience de calculer, pour le parallèle de l ’ancien
Ténochtitlan, d’après les tables de JMayer, un grand nombre d’éclipses de
soleil, liées à des époques historiques, n’auroit pas hasardé légèrement une
hypothèse nouvelle, s’il n’y avoit été conduit par une comparaison soignée
des- dates et par l’étude des peintures hiéroglyphiques.
« L ’intercalation de vingt-cinq jours en cent quatre ans, dit M. La Place1
dans son excellent précis de l’histoire de l’astronomie, suppose une durée
de l ’année tropique plus exacte que celle d’Hipparque, et, ce qui est très-
remarquable, presque égale à l’année des astronomes d’Almamon. Quand on
considère la difficulté de parvenir à une détermination aussi exacte, on est porté
à croire qu’elle n’est pas l’ouvrage des Mexicains, et qu’elle leur est venue
de l’ancien continent. Mais de quel peuple et par quel moyen l’ont-ils reçue?
Pourquoi, si elle leur étoit transmise par le nord de l’Asie, ont-ils une division
du temps si différente de celles qui ont été en usage dans cette partie du
monde ? » Dans l ’état actuel de nos connoissances, nous ne pouvons nous
flatter de résoudre ces questions : mais, en se refusant. même à admettre
l’intercalation de douze jours et demi par cycle, en n’accordant aux Mexicains
que la connoissance de l’ancienne année perse de 365*,260, on trouvera
pourtant, dans les hiéroglyphes des jours et dans l ’emploi des séries périodiques,
des témoignages irrécusables d’une ancienne communication avec l’Asie orientale.
■ Exp. du Système du Monde, 5 .” édit., Tom. n , pag. 5i 8.