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et neuf (novus, en sanskrit nava) ; acht, en allemand huit, et achtung, estime;
fg, six, et sg, préposition de; bosa, en cliibcha deux, et bosa, préposition pour;
on conçoit de même comment, dans des langues riches en expressions figurées,
les mots deux, trois et sept peuvent être appliqués aux idées de couple
( jugum ) ; de toute - puissance ( trimurti des Hindoüx ) , d’enchantement
et de malheur : mais est-il .possible d’admettre que, lorsque l’homme inculte
sent le premier besoin de compter, il nomme quatre, une chose noire
(muyhica); six, récolte ( ta ) , et vingt, maison (gue ou gueta) , parce que,
dans l’arrangement d’un almanach lunaire, par le retour 'des dix termes
d’une série périodique, le terme quatre précède d’un jour la conjonction
de la lune, ou pai'ce que la récolte se fait six mois après le solstice d’hiver ?
Dans toutes les langues, on observe une certainé' indépendance entré les
racines qui désignent les nombres et celles qui expriment d’autres objets
du monde physique, et nous devons supposer que, partout où cette indépendance
disparoît, il existe deux systèmes de numération dont l ’un est
postérieur à l’autre, ou bien que les affinités étymologiques que l’on a cru
découvrir ne sont qu’appareiites, parce qu’elles reposent sur des significations
figurées? Le père Lugo, qui écrivit en 1618, nous apprend en effet que
les Muyscas avoient deux manières de désigner le nombre vingt, et qu’ils
disoient, ou gueta , maison, ou quihicha-ubchihica , pied dix; mais nous
n’entrerons pas ici dans des discussions étrangères au but de cet ouvrage. Ce
que nous savons de positif sur le calendrier lunaire des Muyscas, et'sur
l’origine de leurs hiéroglyphes numériques, n’a pas besoin d’être appuyé
par des argumens tirés de la grammaire d’une langue que l’on peut presque
regarder comme une langue morte.
Nous avons vu plus haut que les Muyscas n’avoient ni les décades des
Chinois et des Grecs, ni les demi-décades des Mexicains et des peuples de Bénin
ni les petites périodes de neuf jours des Péruviens, ni les ogdoades des Romains,
ni les semaines de sept jours ( schebuas ) des Hébreux, que nous retrouvons
en Égypte et dans l’Inde, mais qui n’étoient connus, ni chez les habitans du
Latium et de l’Etrurie, ni chez les Persans et les Japonois. La semaine muysca
se distinguoit de toutes celles que présente l’histoire de la chronologie : elle
n étoit que de trois jours; Dix de ces groupes formoient une lunaison appelée
' P a lw , de l’élude des hiéroglyphes, Tom. i , pag. 5a.
E T MONUMENS . D E .L ’AM ER IQ U E . 2,55
suna, grand chemin; chemin :pmé, digue, cause du ..sacrifice .' .que l’on
célébrait, -tous les-mois, a l’époque dé la'pleinè lune, sur une place publique
à laquelle-conduisoit, dans chaque: village, un . grand .chemin (sina) qui
partait :de là maisôn ( tithuà ) du chef de la tribu.
Le suna ne commençoit pas à la nouvelle lune; comme chez la plupart
des peuples de l’ancien monde, mais le premier jour qui suit la pleine
lune, et dont l’hiéroglyphe était une. grenouille représentée sur la pierre
intercalaire (Pl. x l i v , fig. i a ) . Les mots ata; bosa, mica, et leurs signes
graphiques rangés en trois séries périodiques, servoient à désigner les trente
jours d’une lunaison; de sorte que micaétait, comme le qüartidi du calendrier
républicain françois, à la fois le quatrième, le quatorzième ou le vingt-quatrième
jour du mois. Le même usage se trouvoit chez les Grecs qui ajoutaient cependant
quelques mots pour, rappeler que le nombre appartient, ou au mois commençant,
unvoç ctp^opiévov, ou au milieu du mois, /xnvk p.t<rovnoç, ou au mois
.expirant; finvog <f>3iWoç. Comme les petites fêtes (ferioe), ou les. jours de marché,
revenoient tous les trois jours, chacune d’elles, pendant le cours d’un mois
muysca, étoit présidée par un signe différent; car les deux séries périodiques
de trois et de dix termes, celles des semaines et du suna, n’ont pas de diviseur
commun, et ne peuvent coïncider qu’après trois fois dix jours. Selon le tableau
suivant, dans lequel les petites fêtes sont marquées- en caractère italique,
cuhupqua (deux oreilles) tombe sur le dernier quartier; muyhica (deux yeux
fermés)..et hisca (jonction de deux figures, noces de la lune, chia, et du soleil,
sud), correspondent à l’époque de la conjonction ; mica (deux yeux ouverts)
désigne le premier quartier, et ubchihica (une oreille) la pleine lune. Le rapport
que nous trouvons ici entre la chose ët l’hiéroglyphe, entre .les phases de la
lune et les signes des jours lunaires, prouve évidemment que ©es signes, qui
servoient en même temps de vrais chiffres, ont été inventés dans un temps
ou 1 artifice des séries périodiques étoit déjà appliqué au calendrier. Chez
les Egyptiens, les hiéroglyphes des nombres paroissent avoir été indépendans
: de ceux des phases lunaires. D’après Horapollon, l’image d’un astre indiquoit
le nombre cinq, soit à cause des rayons divergens que présentent-à la vue
simple les étoiles de première et de deuxième grandeurs, soit en faisant une
allusion mystique au régime du monde par cinq étoiles. • Dix étoit figuré
par une ligne horizontale placée sur une ligne perpendiculaire. Un savant