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représente la Planche x x v i. Ce monument historique est d’autant plus curieux,
qu’il indique là durée de chaque âge par des signes dont nous connoissons
la valeur. Dans le Commentaire du père Rios, l ’ordre d’après lequel les
catastrophes se sont succédées, est entièrement confondu; la dernière, qui est
le déluge, y est regardée comme la première. La même erreur se trouve dans les
ouvrages de Gomara, de Clavigero ', et de la plupart des auteurs espagnols
qui, oubliant que les Mexicains rangeoient leurs hiéroglyphes de droite à
gauche, en commençant par le bas de la page, ont nécessairement interverti l’ordre
des quatre destructions du monde. J’indiquerai cet ordre tel qu’il est représenté
dans la peinture mexicaine de la bibliothèque du Vatican, et tel que le décrit
une histoire très-curieuse écrite en langue aztèque, dont l'indien' Fernando
de Alva Ixtlilxochitla nous a conservé dés fragmens. Le témoignage d’un auteur
indigène et la copie d’une peinture mexicaine faite sur les lieux peu de temps
après là conquête, méritent sans doute plus de confiance que le récit des
historiens espagnols. Ce manque d accord, dont nous venons d indiquer la
cause, ne porte d’ailleurs que sur 1 ordre des destructions ; car les circonstances
dont chacune d’elles a été accompagnée j sont rapportées de la maniere la plus
uniforme par Gomara, Pedro de los Rios, Ixtlilxochitl, Clavigero et Gama.
Premier cycle. Sà duirée est de i 3x 4o'o+6 — 5206 années: ce nombre est
indiqué à droite dans le tableau inférieur par dix-neuf ronds, dont treize sont
surmontés1 d’une plume. Nous avons fait observer plus haut5, en parlant du'’
calendrier, què l’hiéroglyphe du carré de vingt est une plume, et que, semblables
aux clous des Étrusques et des Romains4, de simples ronds indiquoient, chez
les Mexicains, le nombre des années. Ce premier âgé, qui’ correspond à l’âge
de justice (Sakia Youga) des Hindoux, s’appela Tlaltonatiuhj âge de la terre;
c’est aussi celui des géans ( Qzocuilliexec/ue ou Tuinametin); car les traditions
historiques de tous les peuples commencent par des combats de géans. Les
Olmèques ou Hulmèques, et les Xicalanquès , deux péuples qui ont précédé
les Toltèques et qui se vantoient d’une haute antiquité, prétendoient en avoir
trouvé à leur arrivée dans les plaines de Tlascala5. Selon les Pourdnas
' Storia antica di Messico, Tom. n , pag. 57.
' Gama, $. 62, pag. 97. Boturini, Cat. del Museo, $. vili, n. i 3.
1 Voyez pag. i4 i.
4 T i t . L iv., Hist., Lib. v ii, c. 3 (ed. Gesnerì, 1755, Tom. 1, pag. 4<3i ).
5 Torquemada, V 0L 1, pag. S7.
sacres , Bacchus, ou le jeune Rama, remporta aussisa première victoire'sur
Ravana, roi des géans de l’île de Ceylan1.
L’année présidée parle signe ce acatl, fut une année de famine, et la disette
fit périr la première génération des fiommes. Cette catastrophe commença le
|our 4 tigre ( nahui ocefotl), ,et c’est probablement à causé de l’hiéroglyphe de
ce jour, que d’autres traditions rapportent que les géans qui n é périrent pas par
la famine, furent dévorés par ces mêmes tigres (tequanes),.dont les Mexicains
redoutoient ^apparition à la fin de chaque cycle. La peinture hiéroglyphique
représente un génie malfaisant qui descend sur la terre pour arracher l'herbe
et les fleurs. Trois figures humaines, parmi lesquelles-on reconnoît aisément
une femme à sa coiffure formée de deux petites tresses qui ressemblent àdes
cornes ‘, ont dans la main droite un instrument tranchant, et, dans la gauche,
des fruits ou des épis coupés. Le génie qui annonce la famine, porte un de ces
chapelets 3 qui, de temps immémorial, sont en usage au Tibet, en Chine, au
Canada et' au Mexique, et qui de l’orient ont passé aux chrétiens de 1,’occident.
Quoique, chez tous les peuples de la terre, la fiction des géans, des Titans et
des Cyclopes paroisse indiquer le conflit des élémens, ou l ’état du globe au
sortir du chaos, on ne saurait douter que, dans les deux Amériques, les énormes
squelettes d animaux fossiles répandus sur la surface de la terre n’aient eu une
grande influence sur l ’histoire mythologique. A la pointe Sainte-Hélène, au nord
de Guayaqud, se trouvent d’énormes dépouilles de cétacés inconnus : aussi, des
traditions péruviennes portent-elles qu une colonie de géans, qui se sont détruits
mutuellement, a débarqué sur ce même point. Des ossemens de mastodontes
et déléphans fossiles, appartenans à des espèces qui ont disparu de la surface)
du globe, abondent dans.le royaume de la Nouvelle-Grenade, et sur le dos des
Cordillères mexicaines 3 : aussi la plaine qui,, à deux mille sept cents mètres ’de
hauteur, s’étend de Suacha vers Santa-Fe.de Bogota, porte-t-elle le nom de
Champ des Géans. Il est probable que les Hulmèques se vantoient que leurs
ancêtres avoient combattu les géans sur le plateau fertile de Tlascalla, parce
qu on y trouve des dents molaires de mastodontes et d’éléphans, que dans tout
le pays le peuple prend pour des dents d’hommes d’une stature colossale.
Paol. de Sakct. Barthol., S/st. Brahman., pag. a4 et i43.
I Pl. XV, n.® 5 — 7 , 3.
5 Pl. XIV, n.° 8. \
4 Cdvier, Mém. de l’Institut, classe des Sciences phys. et mathém., an 7, pag. 14.