mais très-anciennement aussi chez les Chinois. Le chevalier Boturini a été encore
assez heureux pour se procurer de vrais quippus mexicains ou nepohuàltzitzin,
trouvés dans le pays des Tlascaltèques. Dans les grandes migrations des peuples,
ceux de l ’Amérique se sont portés du nord au sud, comme les Ibériens, les
Celtes et les Pelasges ont reflué de l ’est à l’ouest. Peut-être les anciens habitans
du Pérou a voient jadis passé par le plateau du Mexique : en effet, Ulloa ',
familiarisé avec le style de l’architecture péruvienne, avoit été frappé de la
grande ressemblance qu’oOfroient, dans la distribution des portes et des niches,
quelques anciens édifices de la Louisiane occidentale, avec les tambos construits
par les Incas; et il ne paroît pas moins remarquable que, d’après les traditions
recueillies à Lican, l ’ancienne capitale du royaume de Quito, les quippus
étoient connus aux Puruays long-temps avant que les descendans de Manco-
Capac les eussent subjugués.
L ’usage de l’écriture et celui des hiéroglyphes ont fait oublier au Mexique,
comme à la Chine , les noeuds ou les nepohuàltzitzin. Ce changement s’est
opéré vers l’année 648 de notre ère.Un peuple septentrional, mais très-policé,
les Toltèques , paroît dans les montagnes d’Anahuac, à l’est du golfe de
Californie : il se dit chassé d’un pays situé au nord-ouest du Rio Gila, et appelé
Huehuetlapallan ; il porte avec lui des peintures qui indiquent, année par
année, les événemens de sa migration; il prétend avoir quitté cette patrie,
dont la position nous est totalement inconnue, l’année 544 ■> à la même
époque à laquelle la ruine totale de la dynastie des Tsin avoit occasionné de
grands mouvemens parmi les peuples de l’Asie orientale; cette circonstance
est très-remarquable : de plus, les noms que les Toltèques imposoient. aux
villes qu’ils avoient fondées, étoient ceux des villes du pays boréal qu’ils
aVoient été forcés d’abandonner; ainsi l ’on saura l’origine* des Toltèques,
des Cirimèques, des Acolhues et des Aztèques, de ces quatre nations qui
parloient toutes la même langue, et qui entrèrent successivement, et par le
même chemin, au Mexique, si jamais on découvre dans le nord de l ’Amérique
ou de l ’Asie un peuple qui connoisse les noms de Huehuetlapallan, d’Azdan,
de Teocolhuacan, d’Amaquemecan, de Tehuajo et de Copalla.
Jusqu’au parallèle de 55 degrés, la température de la côte nord-ouest de
1 Ulloa. , Noticias Americanas, p. 43.
3 Clavigèro , Storia di Messico, Tom. I , p. 126; Tom. IV , p. 29 et 46.
*
l ’Amérique est plus douce que celle des côtes orientales ; on pourroit croire que
la civilisation avoit fait anciennement des progrès sous ce climat, et même-à des
latitudes plus élevées : encore aujourd’hui on observe que sous les 5y degrés,
dans le canal de Gox et dans la baie de Norfolk, appelée par Marchand le
golfe de Tchinkitané, les indigènes ont un goût décidé pour les peintures
hiéroglyphiques sur bois. J’ai examiné1 dans un-autre endroit,' s’il est probable
que ces peuples industrieux et d’un caractère généralement doux et affable,
sont des colons mexicains réfugiés vers le nord, après l’arrivée des Espagnols,
ou s’ils ne descendent pas plutôt des tribus toltèques ou aztèques, qui, lors
de l’irruption des peuples d’Aztlan , sont restées dans ces régions boréales.
P§r la réunion heureuse de plusieurs circonstances, l’homme s’élève à une
certaine culture, même dans les climats les moins favorables au développement
des êtres organisés : près du cercle polaire, en Islande, nous avons vu, depuis
le douzième siècle , les peuples Scandinaves cultiver les lettres et les arts
avec plus de succès que les habitans du Danemarck et de la Prusse.
Quelques tribus- toltèques paroissent s’être mêlées aux nations qui habitoient
jadis le pays contenu entre la rive orientale du Mississipi et l ’Océan Atlantique.
Les Iroquois et les Hurons faisoient sur bois des peintures hiéroglyphiques qui
offrent des rapports frappans * avec celles des Mexicains : ils indiquoient le
nom des personnes qu’ils vouloient désigner, en employant le même artifice
dont nous avons parlé plus haut dans la description d’un tableau généalogique.
Les indigènes de la Virginie avoient des peintures appelées saghohohj
qui représentoient, par des caractères symboliques, les événemens qui avoient
eu heu dans l’espace de soixante ans : c’étoient de grandes roues divisées
en soixante rayons ou en autant de parties égales. Lederer rapporte avoir
vu, dans le village indien de Pommacomek, un dé ces cycles hiéroglyphiques,
dans lequel l’époque de l’arrivée des blancs sur les côtes de la Virgime
étoit marquée par la figure d’un cygne vomissait du feu, pour indiquer à la
fois la couleur des Européens, leur arrivée par eau, et le mal que leurs armes
à feu avoient fait aux hommes rouges.
Au Mexique, l’usage des peintures et celui du papier de maguey s’étendoient
1 Voyez mon Essai politique, p. 7 8 , 336 , 349- M a rc h ah d , Tom. I , p. 258, 261, 2 99, 675.
3 L a p ita tj i Tom. U , p.'43, 225, 4i 6. L a H o s ta u , Voyage dans l’Amérique septentrionale, Tom. H , p. ig 3.
s Journal des Savans; 1681, p. 75.