Il seroit contraire au but que nous nous sommes proposé dans cet ouvrage,
de bous livrer à des hypothèses sur l’ancienne civilisation des habitans du nord
et du centre de l'Asie. Le Tibet et le Mexique présentent des rapports
assez remarquables dans leur hiérarchie ecclésiastique, dans le nombre des
congrégations religieuses, dans l’austérité extrême des pénitences et dans
l’ordre des processions. Il est même impossible de ne pas être frappé de cette
ressemblance, en Usant avec attention le récit que Cortez fit à l'empereur
Charles-Quint, de son entrée solennelle à Cholula, qu’il appelle la ville sainte
des Mexicains.
Un peuple qui régloit ses fêtes d’après le mouvement des astres, et qui
gravoit ses fastes sur un monument public, étoit parvenu sans doute à un
degré de civilisation supérieur à celui que lui ont assigné Pauw, Raynal,'
et même Robertson, le plus judicieux des historiens de l ’Amérique. Ces
auteurs regardent comme barbare tout état de l’homme qui s’éloigne du
type de culture qu'ils se sont formé d’après leurs idées systématiquês. Nous
ne saurions admettre ces distinctions tranchantes en nations barbares et nations
civilisées. En examinant dans cet ouvrage, avec une scrupuleuse impartialité,
tout ce que nous avons pu découvrir par nous-mêmes sur l’état ancien des
peuples indigènes du nouveau continent, nous avons tâché de recueillir les
traits qui les caractérisent individuellement, et ceux qui paroissent les lier a
différens groupes de peuples asiatiques. Il en est des nations entières comme
des simples individus; de même que, dans. ces derniers, toutes lés facultés
dé lame ne parviennent pas à se développer simultanément ; chez les
premiers, les progrès de la civilisation ne se manifestent pas à la fois dans
l’adoucissement des moeurs publiques et privées, dans le sentiment des arts,
et dans la forme des institutions. Avant de classer les nations, il faut les étudier
d’après leurs caractères spécifiques ; car lcs-circonstances extérieures font varier
à l’infini lés nuances de culture qui distinguent des tribus de race différente,
surtout -lorsque, fixées dans des régions très-éloignées les unes des autres,
elles ont vécu long-temps sous l ’influence de gouvernemens et de cultes
plus ou moins contraires aux progrès de l'esprit et à la conservation de
la liberté individuelle.