auroient cessé d’elles-mêmes ; si les Mexicains1 , sans avoir aucune communication
avec les Espagnols, avoient continué à faire des progrès vers la
civilisation. Il est probable que cette réforme bienfaisante dans leur culte,
ce triomphe de la déesse? des moissons sur les dieux du carnage, n’auroit eu
lieu que très-tard. ■
Dans l ’Amérique méridionale,- le peuple le plus puissant, les Péruviens,
suivoit le culte du soleil. Les guerres les plus cruelles furent entreprises par les
Incas pour introduire une religion douce et paisible ; les sacrifices humains
cessèrent partout où les descendans de Manco-Capac apportèrent leurs lois,
leurs divisions en castes, leurs langues et leur despotisme monastique. Dans
le pays d’Anahuac, le culte sanguinaire d’Huitzilopochtli devint dominant à
mesure que l’empire mexicain engloutissoit tous les états voisins. La grandeur
de cet empire étoit fondée sur une coalition intime de la classe des prêtres
avec la noblesse destinée au métier des armes. Le grand- prêtre Teoteuctli
(Seigneur divin) étoit généralement un prince du sang royal; aucune guerre
ne pouvoit être entreprise sans son aveu. Les prêtres même alloient au combat,
et étoient élevés aux premières dignités dans l’armée 2 : leur influence devint
par là aussi puissante que celle des patriciens romains, qui avoient le droit
exclusif des augures, et dans lesquels un auteur célèbre3 a cru reconnoître les
traces d’une institution politique des Hindoux.
Au Mexique, où le nombre et le pouvoir des prêtres ( teopixquis) et des
moines ( tlamaca.zqu.es ) étoit presque aussi grand qu’il l’est aujourd’hui au
Tbibet et au Japon, tout ce qui étoit l'effet du fanatisme religieux ne pouvoit
éprouver que des changemens infiniment lents. L ’histoire nous prouve que
l’usage barbare des sacrifices humains s’est même conservé long-temps parmi
les peuples les plus avancés en civilisation. Les peintures trouvées dans les
tombeaux des rois à Thèbes, ne laissent aucun doute que ces sacrifices ne
fussent en usage parmi les Égyptiens 4. Nous avons déjà observé plus haut,
qu’anciennementvdans l ’Inde, la déesse Câli demandoit des victimes humaines,
comme Saturne en exigeoit à Carthage. A Rome, après la bataille de Cannes,
1 L akglès , Rituel des Tatars-Mantchoux, p . 18.
1 Peintures hiéroglyphiques du recueil de Mendoza. Th ev e h o t , Tom. IV , fol. 57.
5 Schlegbl , W eisheit d e r In d ie r, s. 190.
4 Voyage de Dbkoh, p . 298, P l. c x x iv , n.° 2. Décade Égyptienne» Tom. IDE, p. 110.
un Gaulois et une. Gauloise furent enterrés vivans, et l’empereur Claude se
vit obligé de défendre, par une loi expresse, de sacrifier des hommes dans
l’empire romain1. Mais il y a plus encore ne voyons - nous pas, dans les
temps moins reculés, les effets barbares de l’intolérance religieuse,, au milieu,
d’une grande civilisation de l’espèce humaine, à l’époque d’un adoucissement
général de caractère et de moeurs? Quelle que soit la différence que présentent
les peuples dans les progrès de leur culture, le fanatisme et l’intérêt
conservent leur pouvoir funeste. La postérité aura de la peine à concevoir
que dans l’Europe policée, sous l’influence d’une religion qui, par la nature
de ses principes, favorise la liberté et proclame les droits sacrés de l’humanité,
il existe des lois qui sanctionnent l’esclavage des noirs, qui permettent au
colon d’arracher l’enfant des bras de sa mère, pour le vendre dans une
terre lointaine. Ces considérations nous, prouvent, et ce résultat n’est pas
consolant, que des nations entières peuvent avancer rapidement vers la civilisation,
sans que les institutions politiques et les formes de leur culte perdent
entièrement leur ancienne barbarie.
Le n.° v in indique la cérémonie d’allumer le nouveau feu, lors de la procession
qui se fàisoit tous les cinquante-deux ans au sommet d’une montagne,
près Iztapalapan.
C’est à la fin de chaque cycle que se faisoit l’intercalation, tantôt de douze,
tantôt de treize jours. Le peuple s’attendant en même temps à la quatrième
destruction du soleil et de la terre, éteignoit tous les feux, jusqu’à ce qu’au
commencement du nouveau cycle, les prêtres en allumassent de nouveaux.
La peinture indique une victime étendue sur la pierre de sacrifice, ayant un
disque de bois sur la poitrine, que le teopixqui enflamme par frottement.
L’hiéroglyphe du ciel étoilé, que l’on distingue sur la page précédente du
recueil borgien, paroît faire allusion à la culmination des pléiades. Nous
reviendrons plus bas, en donnant l’explication de la vingt-troisième planche,
sur le rapport que- l’on assure avoir existé entre cette culmination et le commencement
du cycle.
L’art dè faire du feu, en frottant deux espèces de bois dune dureté
différente, est d’une haute antiquité. On le trouve chez les peuples des deux
■ Sü e to h . , C. xxv (éd.- W o lf., Vol. I , p. 48). Pmn. Hist. N a t , Lib. x x x i, C. 1 ; Lib. v in , G. xxn. T b r tu llià h .
Apologet. adversus genles, C. ix (ed.Palmer, 1684,p. 4 * )• L a c ta n t. Div. Instit.» Lib. 1 , C. xxi..