renferme de nombreux débris de coraux pétrifiés; elles sont ombragées par
le feuillage lustré de YAnacardium caracoli, arbre de grandeur colossale, auquel
les indigènes attribuent la propriété d’attirer de très-loin les vapeurs
répandues dans l’atmosphère. Le terrain de Turbaco étant élevé de plus
de trois cents mètres au-dessus du niveau de l’Océan, on y jouit, surtout
pendant la nuit, d’une fraîcheur délicieuse. Nous avons séjourné dans cè
charmant endroit au mois d’avril 1801, lorsqu’après une traversée pénible
de l’île de Cuba à Carthagène des Indes, nous nous préparâmes à un long
vojage à Santa-Fe de Bogota et au plateau de Quito.
Les Indiens de Turbaco, qui nous accompagnoient dans nos herborisations,
nous parloient souvent d’un terrain marécageux, situé au milieu d’une forêt
de palmiers, et appelé, par les créoles, les Petits Volcans, los Volcancitos. Us
racontoient que, d’après une tradition conservée parmi eux, ce terrain avoit
jadis été enflammé, mais qu’un bon religieux, curé du village, et connu
par sa grande piété, étoit parvenu, par de fréquentes aspersions d’eau bénite,
-à éteindre le feu souterrain : ils ajoutoient que, depuis ce temps, le volcan
de feu étoit devenu un volcan d’eau, volcan de agua. Ayant habité
long-temps les colonies espagnoles, nous connoissions assez les contes bizarres
et merveilleux par lesquels les indigènes se plaisent à • fixer 1 attention
des voyageurs sur les phénomènes de la nature : nous savions que ces contes
sont généralement dus, moins à la superstition des Indiens qu’à celle des
blancs, des métis et des esclaves africains, et que les rêveries de quelques
individus, qui raisonnent sur les changemens progressifs de la surface • du
globe, prennent, avec le temps, le caractère de traditions historiques. Sans
croire à l’existence d’un terrain anciennement enflammé, nous nous fîmes
conduire, par les Indiens, au Volcancitos de Turbaco, et cette excursion nous
offrit des phénomènes bien plus importans que ceux auxquels nous nous
étions attendus.
Les Volcancitos sont situés à six mille mètres à l’est du village de Turbaco,
dans une forêt épaisse qui abonde en beaumiers de tolù, en gustavia à
fleurs de nymphéa, et en CavaniUesia mocundo, dont les fruits membraneux
et transparens ressemblent à des lanternes suspendues à l’extrémité des
branches. Le terrain s’élève graduellement à quarante ou cinquante mètres
de hauteur au-dessus du village de Turbaco; mais le sol étant partout