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2 2 6 V U E S D ES C O R D IL L È R E S ,
sont plus groupées en style de procession ; leurs rapports se multiplient :
on les voit en action; et la peinture symbolique, qui désigne ou rappelle les
événemens plutôt qu’elle ne les exprime, se transforme insensiblement en
une peinture animée qui n’emploie que quelques hiéroglyphes phonétiques *
propres à indiquer les noms des personnes et des sites. J’incline à croire
que le tableau, que Siguenza a communiqué à Gemelli, est une copie faite
après la Conquête, soit par un indigène, soit par un métis mexicain. Le
peintre n’a sans doute pas voulu suivre les formes incorrectes de l’original :
il a imité avec une scrupuleuse exactitude les hiéroglyphes des noms et des
cycles; mais il a changé les proportions des figures humaines, qu’il a
drapées d’une manière analogue à celle que nous avons reconnue 2 dans
d’autres peintures mexicaines.
Voici les événemens principaux qu’indique la Planche x x x i i , d’après
l’explication de Siguenza, à laquelle nous ajouterons quelques notions tirées
des annales historiques des Mexicains.
L’histoire commence par le déluge deCoxcox ou par la quatrième destruction
du monde qui, selon la cosmogonie aztèque, termine le quatrième des
grands cycles, atonatiuh, l'dge de l'eau 3. Ce cataclysme arriva, selon les
deux systèmes chronologiques reçus, ou mille quatre cent dix-sept ou dix-huit
mille vingt-huit ans après le commencement de l 'dge de la terref tlaltonatiuh.
L ’énorme différence de ces nombres doit moins nous étonner quand üous
nous rappelons les hypothèses que, de nos jours, Bailly, William Jones et
Bentley 4 ont mises en avant sur la durée des quatre yougas des Hindoux.
Parmi les différens peuples qui habitent le Mexique, des .peintures qui
représentoient le déluge de Coxcox se sont trouvées chez les Aztèques, les
Miztèques, les Zapotèques, les Tlascaltèques et les Méchoacaneses. Le Noë,
Xisutrus ou Menou de ces peuples, s’appelle Coxcox, Teo'-Cipactli ou Tezpi. Il
se sauva, conjointement avec sa femme Xochiquetzal, dans une barque, ou,
selon d’autres traditions, dans un radeau d’Ahuahuete ( Cupressus distichia).
La peinture représente Coxcox au milieu de l’eau, étendu dans une barque.
' Voyez plus haut pag. G4-
• Pl. x iv ,n .° 5 e t7 . .
Voyez plus haut pag. 206.
4 A sia t. Recherches, Vol. VII I, pag. ig 5.
E T MONUMENS D E L ’AM E R IQ U E . ¿ 2 ^
La montagne dont le sommet couronné d’un arbre s'élève au-dessus des
eaux, est l'Ararat des Mexicains, le Pic de Colhuacan. La corne qui. est
représentée à gauche, est l ’hiéroglyque phonétique de.Colhuacan. Au pied
de la montagne’ paraissent les têtes dé Coxcox et de sa femme ; on reconnoît
cette dernière par les deux tresses en forme de cornes., qui, comme nous
l'avons observé plusieurs fois, désignent le sexe féminin. Les hommes nés
après le déluge étaient muets : une colombe, du haut d'un arbre, leur
distribue des langues représentées sous la forme de petites virgules t. Il ne
faut pas confondre cette colombe avec l'oiseau qui rapporte à Coxeox la
nouvelle que les eaux se sont, écoulées. Les peuples de Mechoacan conservoient
une tradition d'après laquelle Coxcox, quils appellent Tezpi, s’embarqua
dans un acaUi spacieux avec sa femme, ses enfans, plusieurs. animaux et des
graines dont la conservation, était chère au genre humain. Lorsque le grand
esprit Tezcatlipoca ordonna que’ les eaux' se retirassent , Tezpi fit sortir de sa
barque un vautour, le zopilote (Tultur aura). L ’oiseau’ qui se nourrit de chair
morte ne.revint pas, à cause du grand nombre de cadavres dont était jonchée
la terre récemment desséchée. Tezpi envoya d’autres oiseaux, parmi lesquels le
colibri seul revint en teiiant dans son bec un rameau garni de feuillés :: alors
Tezpi, voyant que le sol commençoit à se couvrir d’une verdure nouvelle, quitta
sa barque près de la montagne de Colhuacan.
Ces traditions, nous le répétons ici, en rappellent d'autres d’une haute
et vénérable antiquité. L ’aspect des corps marins, trouvés jusque sur les
sommets les plus élevés, pourrait faire naître, à des hommes qui n’ont eu
aucune communication, l’idée,-de grandes inondations qui ont éteint , pour
quelque temps, la vie organique sur la terre : mais ne doit-on pas reconnoître
les traces d’une origine commune partout où les idées cosmogoniques et les
premières traditions des peuples offrent des analogies frappantes jusque dans
les moindres circonstances ? Le colibri de Tezpi ne rappelle-t-il pas la colombe
de Noë, celle de Deucalion, et les oiseaux que, d’après Berose, Xisutrus fit
sortir de son arche, pour reconnoître si les eaux étaient écoulées, et si déjà
il pouvoit ériger des autels aux dieux protecteurs de la Chaldée? ■ ,
Les langues que la colombe avoit distribuées, aux peuples de l ’Amérique
(n.° t ) étant infiniment variées, ces peuples se dispersent, et seulement quinze
1 Voyez plus haut le Procès, Pl. xn.