La pierre que l ’on désigne vulgairement sous le nom de la pierre dès
sacrifices (piedra de los sacrificios), est de forme cylindrique : elle a trois
mètres de largeur et onze décimètres de hauteur ; elle est entourée d’un relief
dans lequel on reconnoît vingt groupes de deux figures, qui sont toutes
représentées dans la même attitude. Une de ces figures est constamment la
même : c’est un guerrier, peut-être un roi, qui a la main gauche appuyée
sur le casque d’un homme qui lui offre des fleurs comme un gage de son
obéissance. M. Dupé, que j ’ai eu occasion de citer au commencement de cet
ouvrage, acopié tout le relief; je me suis assuré sur les lieux de l’exactitude
de son dessin, dont une partie a été gravée sur cette Planche : j ’ai choisi le
groupe remarquable qui représenté un homme barbu. On observe qu’en
général les Indiens mexicains ont un peu plus de barbe que le reste des
indigènes de l ’Amérique ; il n’est même pas rare d’en voir avec des moustaches.
Y auroit-il eu jadis une province dont les habitans portaient une
longue barbe? ou celle qu’on remarque dans le relief est-elle postiche ? fait-elle
partie de ces ornemens fantastiques par lesquels les guerriers cherchoient à
inspirer de la terreur à l’ennemi?
M. Dupé croit, ce me semble avec raison, que cette sculpture représente
les conquêtes d’un roi aztèque. Le vainqueur est toujours le même ; le guerrier
vaincu porte le costume du peuple auquel il appartient, et dont il est pour
ainsi dire le représentant : derrière le vaincu est placé l’hiéroglyphe qui désigne
la province conquise. Dans le recueil de Mendoza, les conquêtes d’un roi
sont de même indiquées par un bouclier ou un faisceau de flèches, placé entre
le roi et les caractères symboliques ou armoiries des pays subjugués. Comme
les prisonniers mexicains étoient immolés dans les temples, il paroîtroit assez
naturel que les triomphes d’un roi guerrier fussent figurés autour de la pierre
fatale sur laquelle le topUtziri (prêtre sacrificateur) arracboit le coeur à la
malheureuse victime. Ce qui-a fait surtout adopter cette hypothèse, c’est que
la surface supérieure de la pierre offre une rainure assez profonde, qui paroît
avoir servi pour faire écouler le sang.
Malgré ces apparences de preuves, j ’incline a croire que la pierre dite des
sacrifices n’a jamais été placée à la cime d’un téocaüi, mais qu’elle étoit
une de ces pierres appelées témalacatl, sur lesquelles se livroit le combat de
gladiateurs entre le prisonnier destiné à être immolé et un guerrier mexicain.