Le recueil de Vienne, qui a soixante-cinq pages, est devenu célèbre parce
qu’il a fixé l’attention du docteur Robertson, qüi, dans son'ouvrage classique
sur l ’histoire du nouveau continent, en a.publié quelques pages, mais sans
couleurs et èn simples contours. On lit sur la première page de ce manuscrit
mexicain, « Qu’il a été envoyé par le roi Emmanuel de Portugal au pape
« Clément VII, et que depuis il a été entre les mains des cardinaux Hippolyte
« de Médicis et Capüanus. » Lambeccius*, qui a fait graver assez incorrectement
quelques figures du codex vindobonensis, observe que le roi Emmanuel
étant mort deux ans avant'l’élection du pape Clément VII, le don de ce
manuscrit n’a pu être fait à ce dernier pontife, mais bien à.Léon X , auquel le
roi de Portugal envoya une ambassade en 1513 : mais je demande comment on
pouvoit avoir en Europe des peintures mexicaines en i 5i 3, puisque Hernandez
de Cordova ne découvrit les côtes de Yucatan qu’en, i 5 17, et que Cortez ne
débarqua à la Vera-Cruz qu’en i5i.9?. Est-il probable que les Espagnols aient
trouvé des peintures-mexicaines à l ’île de Cuba, , quand les habitans de cette
île, malgré la proximité du cap Catoche au cap Saint Antoine, ne paroissent pas
avoir eu de communication avec les Mexicains ? Il est vrai que dans la note
'Éhontée au recueil, de Vienne, celui-ci n’est pas nommé codex mexicanus
mais codex Indice meridionalis ■ cependant l’analogie parfaite qu’offre ce manuscrit
avec ceux conservés à 'Veletri et à Rome ne laisse aucun doute sur-une
origine commune. Le roi Emmanuel est mort en 1621 ; le pape Clément VII en
i 534= il me paroît peu croyable qu’avant la première entrée des Espagnols
à Ténochtitlan (le 8 novenfibre x519) il puisse y àvçir eu un manuscrit mexicain
à Rome. Quelque soit l ’éponue' à laquelle il est parvenu en Italie, il est
certain qu’après avoir passé de main en main, il fut offert en 1677 à l’empereur
Léopold, par le duc de Saxe> Eisenach.
On .ignore absolument ce qu’ëst devenu lé recueil de peintures mexicaines
qui existait encore à. la fin du dix-septième siècle à Londres, et que Purchas a
publié. Ce1 manuscrit avoit été envoyé à l ’empereur Charles-Quint, par le
premier vice-roi du Mexique, Antonio de Mendoza, mardis de Mondejar : le
bâtiment .qüi porta- cet objet prépieux fut pris par un vaisseau françois, et le
recueil tomba entre les mains d’André Thevet; géographe du roi de France, et
qui avoit visité lui-même le nouveau' continent. Après la mort de ce voyageur,
> L ambeccii Commentai-, de bibliotlieca Cæsar. Vintloboncnsl ; ed. 1766, g. 966.
Hakluyt, qui étoit aumônier de l’ambassade angloise à Paris, acheta le manuscrit
pour vingt couronnes, et de Paris il passa a Lofidres, où sir Walter Raleigh
voulut le faire publier. Les frais que devoit causer la gravure des dessins retardèrent
cette publication jusqu’en I&2Ô, où Purchas, cédant aux voeux du savant
antiquaire Spelman, inséra tout le recueil de Mendoza' dans sa collection de
voyages *. Ces mêmes figures ont été copiées par Thevenot % dans sa Relation
de divers voyages; mais cette copie, comme l’a très-bien observé l’abbé
Clavigero3, fourmille de fautes : par éxemplè, les faits arrivés sous le règne
du roi Ahuizotl y sont indiqués sous le règne- de Montezuma.
Quelques autèurs4 ont annoncé que l ’original du fameux recueil de
Mendoza. étoit conservé a la bibliothèque impériale : de Paris; mais il pâroît
certain que, depuis un siècle, il n y a existé aucun manuscrit mexicain.
Comment le.recueil acheté par Hakluyt, et transporté en Angleterre, seroit-il
revenu en France? On ne connoît aujourd’hui point d’autres peintures
mexicaines à Paris, que des copies contenues dans un manuscrit espagnol qui
provient de la bibliothèque de Sellier, et dont nous aurons occasion de parler
dans la suite. Ce livre, très-intéressant d’ailleurs, est conservé dans la superbe
collection des manuscrits de la bibliothèque impériale : il ressemble au codex
anonymus du Vatican, n. 3738, qui est l’ouvrage du moine Pedro de los
Rios 5. Le père Kircher a fait copier une partie des gravures de Purchas 6.
Le recueil de Mendoza jette du jour sur l’histoire, l’état politique et la vie
privée des Mexicains. Il est divisé en trois sections, qui, comme les Slandhas
des Pouranas indiens, traitent d’objets tout à fait différens: la première section
présente 1 histoire de la dynastie aztèque, depuis la fondation de Ténochtitlan,
1 an i 325 de notre ère, jusqu’à la mort de Montezuma n , proprement
appelé Monteuczoma Xocojotzin, en i 52o ; la seconde section est une liste
des tributs que chaque province et chaque bourgade paient aux souverains
azteques ; la troisième et dernière section peint la vie • domestique et les
1 P urchas, Pilgrimes, Tom. m , p . io 65.
* Thevenot ( 1696), Tom. U , Pl. IV, p. 1— 85.
’ 5 ClaVIGERO, Tom. I , p . 25. '
4 Warburton, Essais sur les hiéroglyphes, Tom. I , p. 18. P ap illon, Histoire de la gravure en bois,
Tom. I , p . 364.
5 Voyez plus haut la description de la Pl. VH.
6 KinoHBRi OEdipus, Tom. H I , p. 32.
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