communauté d’origine, du moins une analogie extrême dans les
dispositions intellectuelles des peuples américains depuis le Groenland
jusques aux terres magellaniques.
Des recherches faites avec un soin extrême et d’après uné méthode
que l ’on ne suivoit pas jadis dans l'étude des étymologies, ont prouvé
qu’il y a un petit nombre de mots communs aux langues des deux
continens. Dans quatre-vingt-trois langues américaines examinées
par MM. Barton et Y a te r , on en a reconnu environ cent soixante-
dix dont les racines semblent être les mêmes ; et il est facile de
se convaincre que cette analogie n’est pas accidentelle, qu’elle ne
repose pas simplement sur l ’harmonie imitative, ou sur cette égalité
de conformation dans les organes, qui rend presque identiques les
premiers sons articulés par les enfans. Sur cent soixante-dix mots
qui ont des rapports entre eux, il y eu a trois cinquièmes qui
rappellent le mantchou, le tungouse, le mongol et le samojède,
et deux cinquièmes qui rappellent les langues celtiques et tschoudeSj
le basque, le copte et le congo. Ces mots ont été trouvés en comparant
la totalité des langues américaines avec la totalité des langues
de l’ancien monde; car nous ne connoissons jusqu’ici aucun idiome
de l’Amérique qui, plus que les autres, semble se lier à un des groupes
nombreux de langues asiatiques, africaines ou européennes. Ce que
quelques sàvansj d’après des théories abstraites, ont avancé sur la
prétendue pauvreté de toutes les langues américaines et sur l’extrême
imperfection de leur système numérique, est aussi hasardé que les
assertions sur la foiblesse et la stupidité de l’espèce humaine dans le
nouveau continent, sur le rapetissement de la nature vivante, et sur
la dégénération des animaux qui ont été portés d’un hémisphère à
l’autre.
Plusieurs idiomes, qui n’appartiennent aujourd’hui qu’à des peuples
barbares, semblent être les débris de langues riches, flexibles et
annonçant une culture avancée. Nous ne discuterons pas si letat
primitif de l’espèce humaine a été un état d’abrutissement, ou si les
hordes sauvages descendent de peuples dont les facultés intellectuelles
et les langues dans lesquelles ces facultés se réflètent étoient également
développées : nous rappellerons seulement que le peu que nous
savons de l’histoire des Américains tend à prouver que les tribus dont
les migrations ont été dirigées du nord au sud, offroient déjà, dans les
contrées les plus septentrionales, cette variété d/idiomes que nous
trouvons aujourd’hui sous la zone torride. On peut conclure de là , par
analogie, que la ramification, ou, pour employer une expression
indépendante de tout système, que la multiplicité des langues est un
phénomène très-ancien. Peut-être celles que nous appelons américaines
n’appartiennent-elles pas plus à l’Amérique que le madjare ou hongrois
et le tschoude ou finnois n’appartiennent à l ’Europe.
On ne sauroit disconvenir que la comparaison entre les idiomes
des deux continens n’a pas conduit jusqu’ici à des résultats généraux :
mais il- 11e faut pas perdre l’espérance que cette même étude ne
devienne plus fructueuse lorsque la sagacité des savans pourra
s’exercer sur un plus grand nombre de matériaux. Combien de langues
de 1 Amérique et de l’Asie centrale et orientale dont le mécanisme nous
est encore aussi inconnu que celui du tyrhénien, de l’osque et du sabin!
Parmi les peuples qui ont disparu dans l’ancien monde, il en est
peut-être plusieurs dont quelques tribus peu nombreuses se sont
conservées dans les vastes solitudes de l’Amérique.
Si les langues ne prouvent que foiblement l’ancienne communication
entre les deux mondes, cette communication se manifesté d’une
manière indubitable dans les cosmogonies, les monumens, les hiéro-
glyphes et les institutions des peuples de l’Amérique et de l’Asie. J’ose me
flatter que les feuilles suivantes justifieront cette assertion, en ajoutant
plusieurs preuves nouvelles à celles qui étoient connues depuis longtemps.
O n a tâché de distinguer avecsoin ce qui indique une communauté
d’origine, de ce qui est le résultat de la situation analogue .dans laquelle