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Parmi les différentes nations de Cundinamarca, celle qtle les Espagnols
désignoient par la dénomination de Muysca ou Mozca, paroît avoir été la plus
nombreuse. Les traditions fabuleuses de ce peuple remontent jusqu’à l’époque
reculée où la lune n’accompagnoit point encore la terre, et où, par les inondations
de la rivière de Funzbé, le plateau de Bogota formoit un lac d’une
étendue considérable. En donnant plus haut la description de la cascade de
Tequendama1, nous avons parlé de cet homme merveilleux, connu dans
la mythologie américaine sous les noms de Bochica ou d’Idacanzas, qui ouvrit
un passage aux eaux du lac de Funzhé, réunit en société les hommes épars,
introduisit le culte du soleil, et, semblable au Péruvien Manco Capac et au
Mexicain Quetzalcoatl, devint le législateur des Muyscas. Ces mêmes traditions
portent que Bochica, fils et symbole du soleil, grand-prêtre de Sogamozo ou
d’Iraca, voyant les chefs des différentes tribus indiennes se disputer l’autorité
suprême, leur conseilla de choisir, pour s a q u e ou souverain, un d’entre eux
appelé Huncahua, et révéré à cause de sa justice et de sa haute sagesse. Le
conseil du grand-prêtre fut universellement adopté, et Huncahua, qui régna
pendant deux- cent cinquante ans, parvint à se soumettre tout le pays qui
s’étend depuis les savanes de San Juan de los Llanos jusqu’aux montagnes
d’Opon. Bochica, livré, à des pénitences austères, vécut cent cycles muyscas,
ou deux mille ans; Il disparut mystérieusement à Iraca, à l’est de Tunja.
Cette dernière ville, qui étoit alors la plus populeuse de toutes, fut fondée
par Huncahua, le premier de la dynastie des zaques de Cundinamarca. C’est
du nom de son fondateur qu’elle prit celui de Hunca, que les Espagnols ont
changé en Tunca ou Tunja.
La forme de gouvernement que Bochica donna aux habitans de Bogota
est très-remarquable par l’analogie qu’elle présente avec les gouvernemens
du Japon et du Tibet. Au Pérou, les incas réunissoient dans leurs personnes
les deux pouvoirs séculiers et ecclésiastiques. Les fils du soleil étoient pour
ainsi dire ' souverains et prêtres à la fois. A Cundinamarca, dans un temps
probablement antérieur à Manco Capac, Bochica avoit constitué électeurs les
quatre chefs des tribus, Gameza, Busbanca, Pesca et Toca. Il avoit ordonné
qu’après sa mort, ces électeurs et leurs descendans eussent le droit de choisir
le grand-prêtre d’Iraca. Les pontifes ou lamas, successeurs de Bochica, étoient
• Voyez p. 19.
censés hériter de ses vertus et desa-sainteté, Ce que,, du temps de Montezutua,
Cholula étoit pour les Aztèques, .Iraca Imdavint pour les Mujscÿ-Le peuple
s’y portait en foule pour o ffr ira s présens au grand-prêtre. On visitait les
lieux devenus célèbres par lés miracles.de Bochica,; et, au milieirfes guerres
.les plus sanglantes, les pèlerins jouissoient de la protection des princes par le
territoire desquels ils devoient passer pour se rendre au sanctuaire (chunsua),
et aux pieds du lama qui .y, résidoit. Le «hef séculier,, appelé .zayiie de
Tunja, .auquel les zippa ou princes de Bogota payoient un tribut annuel,
et les pontifes d Iraca., étoient par conséquent deux puissances distinctes,
comme le sont au Japon le idaïri et l'empereur séculier. Il m’a paru important
de. consigner ici ces notibns historiques très-peu connues -en Europe,
pour répandre quelque intérêt sur un peuple; dont nous allons .faire , connoitre
le calendrier.
Bochica n’était pas seulement regardé comme le fondateur d'un nouveau
culte et comme le législateur des Muyscas ; symbole du soleil, il régloit aussi le
temps, et on lui attribuoit l'invention, du calendrier.il avoit prescrit de même,
l'ordre des Sacrifices qui devoient être: célébrés :â la . fin des petits .cycles,
à l’occasion de la cinquième intercalation lunaire. Dans l'empire du zaque, le
jour (tua) et la nuit (za) étoient divisés en quatre parties, savoir.; sm-ména,
depuis le lever du soleil jusqu'à midi; sua-meca, de midi au coucher du
soleil; zasca, du coucher du soleil à minuit; et cagui, de minuit au lever,
du soleil. Le mot rua ou zuhè désigne ;à ,la fois, dans la langue muysca,,,4e
jour et le soleil. De sua, qui est un des surnoms de Bochica, dérive sue,
Européen ou homme hlanc'; dénomination bizarre qui tire son origine de- la
circonstance que le peuple,, dors de l'arrivée-; de Quesada, regardoit les
Espagnols comme fils du soleil, sua.
La plus petite division du temps chez les Muyscas étoit une période de
trois jours. La semaine de sept jours étoit inconnue .en Amérique, comme
dans une partie de 1 Asie orientale. Le prèmier jour de la petite période, étoit
destiné à un grand marché tenu à Turmequè.
Lannée ( zocam) étoit divisée par lunes; vingt lunes composoient Vannée
civile, celle dont on le: servait dans la vie commune. D'année des prêtres
Gmmatica de la lengua général del Nuevo Bejrno Uamada Mosea, par e l Padrc F raj ¡Bernante de Luge
(professeur de la langue chibcha à Santa-Fe de Bogota), Madrid, 1619, p. 7.