Fabrega prétend que les figures assises, n.°* v e t v i i , représentent deux prêtres;
il croit reconnoître, au casque de la figure n.° v u , le grand-prêtre du dieu
TonaCateuctli.
N.° rv. La représentation d’un sacrifice humain : un prêtre, dont la figure est
presque méconnoissable sous un travestissement monstrueux, arrache le coeur
à la victime; sa main gauche est armée d’une massue ; le corps nu de la
victime est peint; on y remarque des taches, par lesquelles on a voulu imiter
celles de la robe du jaguar ou du tigre américain : a gauche, se trouve un
autre prêtre ( topiltzin) , qui verse sur l ’image du soleil, placée dans la niche
d’un temple, le sang du coeur arraché. Je n’aurois point fait graver cette scène
hideuse, si le travestissement du sacrificateur ne présentoit, avec le Ganesa des
Hindoux, certains rapports remarquables et qui ne paroissent point accidentels.
Les Mexicains se servoient de casques qui imitoient la forme de la tête dun
serpent, d’un crocodile ou d’un jaguar. On croit reconnoître, dans le masque
du sacrificateur, la trompe d’un éléphant ou de quelque pachyderme qui s’en
rapproche par la configuration de la tête, mais dont la mâchoire supérieure
est garnie de dents incisives. Le groin du tapir se prolonge, sans doute un
peu plus que le museau de nos cochons, mais il y a bien loin de ce groin
du tapir à la trompe figurée dans le codex borgianus. Les peuples dAztlan,
originaires d’Asie, avoient-ils conservé quelques notions vagiies sur les éléphans,
ou, ce qui me paroît bien moins probable, leurs traditions remontoient-elles
jusqu’à l ’époque ou l ’Amérique étoit encore peuplée de ces animaux gigantesques,
dont les squelettes pétrifiés se trouvent enfouis dans des terrains
marneux, sur le dos même des Cordillères mexicaines ? Peut-être aussi
existe-t-il, dans la partie nord-ouest du nouveau continent, dans des contrées
qui n’ont été visitées ni par Hearne, ni par Mackensie, ni par Lewis, un
pachyderme inconnu, qui, par la configuration de sa trompe, tient le milieu
entre l ’éléphant et le tapir ?
Les hiéroglyphes des jours, qui entourent le groupe figuré sur là quarante-
neuvième page du recueil de Veletri, indiquent clairement que ce sacrifice
se faisoit à la fin de l’année, après les nemontemi ou jours complémentaires.
Le temple du soleil rappelle le culte d’un peuple doux et humain, celui
des Péruviens. Ce culte, dans lequel on ne porte d autres offrandes a la
divinité que des fleurs, de l’encens et les prémices des moissons, a existé
indubitablement au Mexique jusqu’au commencement du quatorzième siècle.
Un savant’, qui a fait des rapprochemens heureux entre les idées mythologiques
des différens peuples, a hasardé l’hypothèse que lès deüx sectes religieuses
de l’Inde, les adorateurs de Vichnou èt ceux de Sîva, se sont répandues
en Amérique, et que le culte péruvien est celui de Vichnou^lorsqu’il
paroît sous la figure de Krichna ou du soleil, tandis que le.culte sanguinaire
des Mexicains est analogue à celui de Sîva, lorsqu’il piend le caractère de
Jupiter Stygien. L ’épouse de Sîva, la noire déesse Câli ou Bhavâni*, symbole
de la mort et de la destruction, porte, dans les statues et les peintures indiennes,
un collier de crânes d’hommès : les Vedas ordonnent qu’on lui fassè'des
sacrifices humains. L ’ancien culte de Câli, dont l ’horrible cruauté à été mitigée
par la réforme de Bouddha, offre sans doute de grandes ressemblances avec le
culte de Mictlancihuatl, la déeSse de l’enfer, et avec celui de plusieurs autres
divinités mexicaines : mais en étudiant l ’histoire des peuples d’Anâhuac, on
est tenté de regarder ces ressemblances comme' .purement accidentelles. On
n’èst pas en droit de s\ipposer des communications partout où l ’on trouvé, chez
des peuples à demi barbares , le culte du soleil, ou l ’usage de sacrifier des
victimes humaines; et cet usage, loin d’avoir été apporté de l’Asie orientale,
pourroit bien avoir pris naissance dans la vallée même du Mexique. L’histoiré
nous'apprend en effet que lorsque les Espagnols arrivèrent à Ténochtitlan, ce
culte sanguinaire, qui rappelle ceux de Câli, de Moloch et de l’Ësus des Gaulois,
n’existoit que depuis deux cents ans.
Les nations qui, depuis le septième jusqu’au douzième siècle, ont
inondé' successivement le Mexique ( les Toltèques, les Chichimèques, les
Nahuatlaques, les Acolhues, les Tlascaltèques et les Aztèques-) , formoient un
seul groupe, uni par l’analogie des langues et des moeurs, à'peu près comme
les Allemands, les Norwégiens, les Goths et les Danois, qui se confondent
tous dans une seule race, celle des peuples germaniques. Il est probable,
comme nous l’avons indiqué plus haut, que d’autres nations, les Otomites,
les Olmèqùes, les Cuitlatèques, les Zacatèques et les Tarasques, aient paru
avant les 1 oltèques dans la région équinoxiale de la Nouvelle-Espagne. Partout
ou 'les peuples se sont avancés dans une même direction, la position du site
1 PnÉDÉMc L éopold Comte de Stolbbrg , Geschichte der Religion Jesu Cbristi, B. I , p. 426.
" Recherches asiatiques, Tom. I , p. ao3 et 293.