complète de la grandeur de ces phénomènes géologiques, il est utile de faire
observer que le fond de ces crevasses n’est que d’un quart moins élevé au-dessus
du niveau des eaux de la mer, que les passages du Saint-Gotbard et du Mont-
Cenis.
La vallée d’Icononzo ou de Pandi, dont une partie est représentée dans la
quatrième Planche, est moins remarquable par ses dimensions que par la forme
extraordinaire de ses rochers, qui paraissent taillés par la main de l ’homme.
Leurs sommets nus et arides offrent le contraste le plus pittoresque avec les
touffes d’arbres et de plantes herbacées qui couvrent les bords de la crevasse.
Le petit torrent qui s’est frayé un passage à travers là vallée d’Icononzo porte
le nom de Rio de la Summa Paz. Il descend de la chaîne orientale dés Andes
qui, dans le royaume de la Nouvelle-Grenade,,sépare le bassin de la rivière de
la Madeleine, des vastes plaines du Meta, du Guaviare et de 1 Orénoque.
Ce torrent, encaissé dans un lit presque inacééssiblé,-me pourrait être franchi
qu’avec beaucoup de difficultés, si là nature même n y avait formé deux ponts
de rochers qu’on regarde avec raison, dans le pays, comme une des choses
les plus dignes de fixer l ’attention des voyageurs: C’est au mois de septembre
de l’année 1801, que nous avons passé ces ponts naturels d’Icononzo, en allant
de Santa-Fe de Bogota à Popayan et à Quito.
Le nom d’Icononzo est celui d’un ancien village des Indiens Muyscas, situé
sur le bord méridional de la vallée, et dont il n’existe plus que quelques
cabanes éparses. L ’endroit habité, le plus proche dé ce site remarquable, est
aujourd’hui le petit village de Pandi ou Mercadilh, éloigné d’urlquart de lieue
vers le nord-est. Le chemin de Santa-Fe à Fusagasuga (-lut 4” 30'ni" nord,
long. 5° 7' i l " ) , et de là à Pandi, est l ’un des plus difficiles et des moins frayés
que l’on trouve dans les Cordillères. Il faut aimer passionnément les beautés
de la nature, pour ne pas préférer la route ordinaire qui conduit du plateau de
Bogota par la Mesa de Juan Diaz aux rives de la Madeleine, à.la descente
périlleuse du Paramo de San-Fortunato et des montagnes de Fusagasuga, vers
le pont naturel d’Icononzo.
La crevasse profonde à travers laquelle se précipite le torrent de la Summa
Paz occupe le centre de la vallée de Pandi. Près du pont elle conserve, sur plus
de quatre mille mètres de longueur, la direction de 1 est à 1 ouest. La rivière
forme deux belles cascades au point où elle entre dans la crevasse à 1 ouest de
Doa, et au point où elle en sort en descendant vers Melgar. Il est très-probable
que cette crevasse a été formée par un tremblement de terre : elle ressemble à
un filon énorme, dont la gangue aurait été enlevée par les travaux des mineurs.
Les montagnes environnantes sont de grès à ciment d’argile : cette formation,
qui repose sur les schistes primitifs ( thoi&hiefir ) de Villeta, s’étend depuis la
montagne de sel gemme de Zipaquira jusqu’au bassin de la rivière de la
Madeleine. C’est elle aussi qui renferme les couches de charbon de terre de
Canoas ou de Chipa, que l ’on exploite près de la grande chute de Tequendama.
(P l.v ï.)
Dans la vallée d Icononzo, le grès est composé de deux roches distinctes. Un
grès très-compacte et quartzeux, à ciment peu abondant, et ne présentant presque
pas de fissures de stratification, reposé sur un grès schisteux ( sdndsteinsckiefer )
à grain très-fin, et divisé en une infinité de petites couches très-minoes et presque
horizontales. On peut croire que le banc compacte et quartzeux, lors de la
formation de la crevasse, a résisté à la force qui déchira pes montagnes, et que
c est la continuation non interrompue de ce banc qui sert de pont pour traverser
d une partie de la vallée a 1 autre. Cette arche naturelle a quatorze mètres et demi
de .longueur sur I3m',7 de largeur; son épaisseur, au centre, est de 3”',4-
Des expériences faites avec beaucoup de soin sur la chute des corps, et en
employant un chronométré de Berthoud, nous ont donné Qr]m\r] pour Ici hauteur
du pont supérieur au-dessus du niveau des eaux du torrent. Une personne
tres-éclairée, qui a une campagne agréable dans la belle vallée de Fusagasuga,
Don Jorge Lozano, a mesuré avant nous cette même hauteur , au moyen
d une sonde ; il 1 a trouvée de cent douze varas ( 93m-,4 ) : la profondeur du
torrent paroît être, dans les eaux moyennes, de six mètres. Les Indiens de
Pandi ont formé, pour la sûreté des voyageurs, d’ailleurs très-rares dans ce
pays désert, une petite balustrade de roseaux qui se prolonge vers le chemin
par lequel on parvient au pont supérieur.
Dix toises au-dessous de ce premier pont naturel, s’en trouve un. autre
auquel nous avons été. conduits par un sentier étroit qui descend sur le bord
de la crevasse. Trois énormes masses de rochers sont tombées de manière à se
soutenir mutuellement : celle du milieu forme la clef de la voûte, accident qui
auroit pu faire naître aux indigènes l’idée de la maçonnerie en arc, inconnue aux
peuples du nouveau monde comme aux anciens habitans de l’Égypte. Je ne