celle de Siguenza , dont quelques foibles restes se sont conservés, jusqu’à
l’expulsion des jésuites, à la bibliothèque de Saint Pierre et de Saint Paul, à
Mexico. Une partie des peintures recueillies par Boturini a été envoyée en
Europe, sur un vaisseau espagnol qui fut pris par un corsaire anglois. On n’a
jamais su si ces peintures sont parvenues en Angleterre, ou si on les a jetées
à la mer comme des toiles d’un tissu grossier et mal peintes : un voyageur
très-instruit m’a assuré, il est vrai, que l’on montre à la bibliothèque d’Oxford
un codex mexicanus qui, pour la vivacité des couleurs, ressemble à celui de
Vienne; mais le docteur Robertson,*dans la dernière édition de son Histoire
de l’Amérique, dit expressément qu’il n’existe en Angleterre aucun autre
monument de l’industrie et de la civilisation mexicaine, qu’une coupe d’or
de Montezuma, appartenant à lord Archer. Comment ce recueil d’Oxford
seroit-il resté inconnu à l’illustre historien écossois ? .-
La majeure partie dés manuscrits de Boturini, celle qui lui fut confisquée à
la Nouvelle-Espagne, a été déchirée, pillée, dispersée par des personnes qui
ignoroient l’importance de ces objets : ce qui en existe aujourd’hui, dans le
palais du vice-roi, ne compose que trois liasses, chacune de sept décimètres en
carré et de cinq de hauteur. Elles sont restées dans un de ces appartemens
humides du rez-de-chaussée, desquels le vice-roi comte de Revillagigedo à
fait sortir les archives du gouvernement, parce que le papier s’y altéroit avec
une rapidité effrayante. On est saisi d’un sentiment d’indignation, lorsqu’on
voit l’abandon éxtrême dans lequel on laisse ces restes précieux d’une collection
qui a coûté tant de travail et de soin, et que l’infortuné Boturini, doué de cet
enthousiasme qui est propre à tous les hommes entreprenans, nomme, dans
la préface de son Essai historique3 « Le seul bien qu’il possède aux Indes, et
« qu’il ne voudroit pas échanger contre tout l ’or et l’argent du nouveau
« monde. » Je n’entreprendrai pas ici de décrire en détail les peintures
conservées au palais de la vice-royauté ; j ’observerai seulement qu’il en existe
qui ont plus de six mètres de long sur deux de large, et qui représentent les
migrations des Aztèques depuis lè Rio Gila jusqu’à la vallée de Ténochtitlan,
la fondation de plusieurs villes, et les guerres avec les nations voisines.
La bibliothèque de l’université de Mexico n’offre plus de peintures hiéroglyphiques
originales : je n’y ai trouvé que quelques copies linéaires, sans
couleurs, et faites avec peu de soin. La collection la plus riche et la plus belle
de la capitale est aujourd’hui .celle de Don José Antonio Pichardo, membre
de la congrégation, de San Felipe Neri. La maison de cet homme instruit et
laborieux a été pour moi ce que la maison de Siguenza .étoit pour le voyageur
Gemelli. Le père Pichardo a sacrifié sa petite fortune à réunir des peintures
aztèques, à faire copier toutes celles qu’il ne pouvoit pas acquérir lui-même:
son ami Gama, auteur de plusieurs mémoires astronomiques, lui a légué
tout ce qu’il possédoit de plus précieux en manuscrits hiéroglyphiques *.
C’est ainsi qu’au nouveau continent, comme presque partout ailleurs, de
simples particuliers, et les moins riches, savent réunir et conserver les objets
qui devroient fixer l’attention des gouvernemens.
J’ignore si, dans le royaume de Guatimala ou dans l ’intérieur du Mexique,
il y a des personnes animées du même zèle que l’ont été le père Alzate,
Velasquez et Gama. Les peintures hiéroglyphiques sont aujourd’hui si rares à
la Nouvelle-Espagne, que la plupart des personnes instruites qui y résident
n’en ont jamais vu; et parmi les restes de la collection de Boturini il n’y
a pas un seul manuscrit qui soit aussi beau que les codices mexicani de
Veletri et de Rome. Je ne doute cependant pas que beaucoup d’objets très-
importans pour l’étude de l ’histoire ne se trouvent encore entre les mains
des Indiens qui habitent la province de Mechuacan, les intendances de
Mexico, de Puebla et d’Oaxaca, la péninsule de Yucatan et le royaume de
Guatimala. Ce sont là les contrées où les peuples sortis d’Aztlan étoient
parvenus à une certaine civilisation; et un voyageur qui, sachant les langues
aztèque, tarasque et maya, sauroit gagner la confiance des indigènes, réuniroit
encore aujourd’hui, trois siècles après la conquête, et cent ans après le
voyage du chevalier Boturini, un nombre considérable de peintures historiques
mexicaines.
Le codex mexicanus du musée Borgia, à Veletri, est le plus beau de tous
les manuscrits aztèques que j ’ai examinés. Nous- aurons occasion d’en parler
dans un autre endroit, en donnant l ’explication de la quinzième Planche.
Le recueil conservé à la bibliothèque royale de Berlin renferme différentes
peintures aztèques dont j ’ai fait l ’acquisition pendant mon séjour à la
Nouvelle-Espagne. La douzième Planche offre deux fragmens de ce recueil :
il contient des listes de tributs, des généalogies, l ’histoire des migrations des
1 Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, p. i î 4-