qui a été conservée pendant quelque temps à Strasbourg, dans le cabinet
d’un particulier, et dont l ’institut d’Egypte vient d'enrichir ses grandes et
précieuses collections.
Le papier qui a servi aux peintures hiéroglyphiques des peuples aztèques
a beaucoup d’analogie avec l ’ancien papier égyptien fait avec les fibres du
roseau (Cyperus papyrus). La plante qui fut employée au Mexique à la
fabrication du papier, est celle que dans nos jardins on désigne communément
sous le nom d’aloès. C’est la pite (Agave americana), appelée metl
ou maguey par les peuples de la race aztèque. Les procédés employés pour la
fabrication de ce papier étoient à peu près semblables à ceux qu’on emploie
dans les îles de la mer du Sud, pour en faire avec l’écorce du mûrier à
papier (Broussonetia papyriferà). J’en ai vu des morceaux de trois mètres
de long sur deux de large. Aujourd’hui on cultive l’agave, non ppur en
faire du papier, mais pour en préparer avec son suc, au moment du développement
de la hampe et des fleurs, la boisson enivrante connue sous le nom
à'octli ou de pidque : car la pite ou le metl peut remplacer à la fois le
chanvre de l ’Asie, le roseau à papier de l’Egypte, et la vigne de l’Europe.
Le tableau dont la copie se trouve au bas de la douzième Planche, a
cinq décimètres de long sur trois décimètres de large. Il paroît que ce
fragment de l’écriture hiérogylphique, que j’ai acheté à Mexico, dans la
vente des collections de M. Gama, faisoit jadis partie du musée du chevalier
Boturini Benaducci. Ce voyageur milanois avoit traversé les mers sans autre
but que celui d’étudier sur les fieux l ’histoire des peuples indigènes de
l ’Amérique. En parcourant le pays pour examiner des monumens, et pour
faire des recherches sur les antiquités du pays, il eut le malheur d’exciter la
méfiance du gouvernement espagnol. Après l ’avoir dépouillé de tous les fruits
de ses travaux, on l’envoya, en 1736, comme prisonnier d’état à Madrid. Le
roi d’Espagne le déclara innocent, mais cette déclaration ne le fit pas rentrer
dans sa propriété. Ces collections, dont Boturini a publié le catalogue à la
suite de son Essai sur lHistoire ancienne de la Nouvelle-Espagne, imprimé
à Madrid, restèrent ensevelies dans les archives de la vice-royauté de Mexico.
On a conservé avec si peu de soin ces restes précieux de la culture des
.Aztèques, qu’il existe aujourd’hui à peine la huitième partie des manuscrits
hiéroglyphiques enlevés au voyageur italien.
Ceux qui, avant Boturini, ont possédé le tableau généalogique que nous
publions, y ont ajouté, tantôt en mexicain, tantôt en espagnol, des notes
explicatives. On voit par ces notes, que la famille dont le dessin représente
la généalogie, est celle des seigneurs ( tlatoanis) d’Azcapozalco! Le petit
territoire de ces princes, auxquels les Tepanèques donnôient le nom pompeux
de royaume, étoit situé dans la vallée de Mexico, près de la rive occidentale
du lac de Tezcuco , au nord de la rivière d’Escapuzalco. Torquemada dit que
ces princes, jaloux de l’antiquité de leur noblesse, faisoient remonter leur
origine jusqu’au premier siècle de notre ère. Ils n’étoient pas de race mexicaine
ou aztèque ; ils se considéroient comme descendans des rois Acolhues, qui
avoient gouverné le pays d’Anahuac avant l’arrivée des Aztèques. Ces derniers
rendirent tributaires les princes d’Azcapozalco, le onzième' calli de l’ère
mexicaine, qui correspond à l ’année 1^2.5 de l’ère chrétienne.
Le tableau généalogique paroît renfermer vingt - quatre générations,
indiquées par autant de têtes placées les unes au-dessous des autres. Il ne
faut pas s’étonner de ce qu’on n’y voit jamais qu’un seul fils ; car parmi les
Indiens les plus pauvres, et qui sont tributaires, tout héritage se fait par
majorât *. La généalogie commence par un prince nommé Tixlpitzin, que
l’on ne doit pas confondre avec Tecpaltzin, le. chef des Aztèques, lors de leur
première émigration d’Aztlan, ni avec Topiltzin, le dernier roi des Toltèques :
mais on sera peut-être surpris de ne pas trouver, au fieu du nom de Tixlpitzin,
celui d’Acolhuatzin, premier roi d’Azcapozalco, issu de là famille des Citin,
qui, d’après la tradition des naturels, régnoit dans un pays très-éloigné, situé
au nord du Mexique. Près de la quatorzième tête, on voit écrit le nom de
YitznahuatL ,Si -ce prince étoit identique avec un roi de Huexotla, que les
historiens mexicains nomment aussi Yitznahuatl, et qui vécut vers l ’année i43o,
la généalogie de la famille d’Azcapozalco remonteroit jusqu’à l’année ioio de
notre ère, en ne comptant que trente ans par génération. Mais comment
expliquer, en ce cas, les dix générations suivantes, le dessin paroissant avoir
été fait vers la fin du seizième siècle? Je ne déciderai pas non plus pourquoi
on trouve indiquée l’année i 565 entre les noms des deux princes Anahuacatzin
et Quauhtemotzin. On sait que le dernier de ces noms est celui du malheureux
roi aztèque quevGomara nomme faussement Quahutimoc, ét qui, d’après les
1 G omara, Hist. de la Çonquista de Mexico $ i 5 5 3 , fol. c x x i.