nuit et jour les mugissemens du volcan, comme des décharges répétées
d’une batterie ; nous distinguâmes même ce bruit épouvantable dans la mer
du Sud, au sud-ouest de l ’île de la Punà.
Le Cotopaxi est situé au sud-sud-est de la ville de Quito, à une distance
de douze lieues, entre la montagne de Ruminavi, dont la crête hérissée de
petits rochers isolés, se prolonge comme un mur d’une hauteur énorme, et
le Quelendana, qui entre dans la limite des neiges éternelles. C’est dans cette
partie des Andes, qu’une vallée longitudinale sépare les Cordillères en deux
chaînons parallèles. Le fond de cette vallée a encore trois mille mètres
d’élévation au-dessus du niveau de l’Océan; de sorte que le Chimborazo
et le Cotopaxi , vus des plateaux de Lican et de Mulalo, ne paroissent
avoir que la hauteur du Col de Géant et du Crainont, mesurés par
Saussure. Comme il y a lieu d'admettre que la proximité' de l’Océan
contribue à entretenir le feu volcanique, le géologue est surpris de voir que
les volcans les plus actifs du royaume de Quito, le Cotopaxi, le Tungurahua
et le Sangay, appartiennent au chaînon oriental des Andes, et par conséquent
à celui qui est le plus éloigné des côtes. Les pics qui couronnent la Cordillère
occidentale, paroissent tous, à l’exception de Rucu-Pichincha, des volcans
éteints depuis une longue série de siècles ; mais la montagne dont nous présentons
le dessin, et qui est éloignée de 2° 2/ des côtes les plus voisines,
de celles de l’Esmeralda et de la baie de San-Mateo, lance périodiquement
des gerbes de feu, et désole les plaines environnantes.
La forme du Cotopaxi est la plus belle et la plus régulière de toutes
celles que présentent les cimes colossales des hautes Andes. C’est un cône
parfait qui, revêtu d’une énorme couche de neige, brille d’un éclat éblouissant
au coucher du soleil, et se détache d’une manière pittoresque de
la voûte azurée du ciel. Cette enveloppe de neige dérobe à la vue de
l’observateur jusqu’aux plus petites inégalités du sol : aucune pointe de
rocher, aucune masse pierreuse ne perce à travers ces glaces éternelles, et
n’interrompt la régularité de la figure du cône. Le sommet du Cotopaxi
ressemble au pain de sucre {pan de azucar) qui termine le pic de Teyde,
mais la hauteur de son cône est sextuple de celle du grand volcan de l’île
de Ténériffe.
Ce n’est que près du bord du cratère que l’on aperçoit des bancs de
rochers qui ne. * . couvrant jamais de neige, et qui se présentent de loin
comme: des traits d’un noir foncé: la pente rapide de cette partie du cône,
et les crevasses par lesquelles sortent des courans d’air chaud, sont: probablement
les causes de 'ce phénomène. ■ Le cratère, semblable à celui du pic
de Ténériffe, est environné d’un petit -mur circulaire,'qtd, examiné avec de
bonnes lunettes, se présente sous la forme d’un parapet: on le distingue
surtout à la. pente méridionale j^ q u ^ o n est placé soit sur la Montagne des
Lions (Puma-Urcu) .soit au bord du petit lac d’Yuracoche. C’est pour faire
connoltre cette structure particulière du volcan, que j’ai ajouté au bas de
la Planche la vue du bord méridional du cratère, telle que je', l’ai dessinée
près de la limite. des neiges perpétuelles (à une hauteur absolue de quatre
mille quatre -cent - onze mètres ) à Sunigüaicu, ¿ur l’arête de montagnes
porphyritiques qui unit le Cotopaxi au Nevado de Quelendana.
La partie conique du pic de-Ténériffe est très-accessible; elle s’élève au
milieu dune plaine couverte de pierre ponce, et dans laquelle végètent
quelques touffes .-de Spartium supranubium. En gravissant le volcan de
Cotopaxi, d est très-diffioile de parvenir jusqu’à la limite inférieure des neiges
perpétuelles. Nous avons éprouvé cette-difficulté dans'une excursion que nous
avons faite au mois, de mai-de ¿’année 1802. ' Le cône est' entouré de profondes
crevasses, qui, au moment dés éruptions, conduisent au Rio Napo et au Rio
de los Alaques:, des scories, de la pierre ponce, de l’eau 'e t des glaçons.
Quand on a examiné de près le sommet du Cotopaxi, un peut presque
assurer qu il serait impossible de parvenir jusqu’au bord du cratère.
Plus le eone de ce volcan est d’une forme régulière, et plus on esrfrappé
de trouver .du côté du sud-ouest une petite'masse de nicher à demi-cachée
sous la neige, hérissée de pointes, et que les naturels appellent la Tite de
tlnca. L origine de cette dénomination bizarre est très-incertaine. Il existe
dans le pays une tradition populaire, d’après laquelle ce rocher isolé faisoit
jadis partie de la cime du Cotopaxi. Les Indiens assurent que le volcan,
lors de sa première éruption, lança loin de lui une masse pièrreùse.' qui,
semblable à la calotte d’un dôme, couvrait l’énorme cavité qui renferme
le feu souterrain. Les uns prétendent que cette catastrophe extraordinaire
eut lieu peu de temps après l'invasion de l ’Inca Tnpac Yupanqui dans
le royaume de Quito, et que le quartier de rocher que l’on distingue dans