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les Grecs et les Romains pour désigner, dans leur langue, des nombres de
plusieurs millions; ils avoient même, pour exprimer un million, un mot
non composé { hunu ) , dont les idiomes de l’ancien monde- n’ofïrent pas
l’analogue. Hue , un; iscay, deux; qimça, trois chunca, dix; chuc
huniy/oc, onze; chunca iscayniyoc , douze iscay chunca, vingt; qimça
chunca, trente; tahuachunca, quarante. ... . . . pachac, centÿïiscaypàchac,
deux cents huaranca , mille ; iscayhuaranca, deux m ille ..... chuncahudranca,
dix mille; iscay-chunca-huaranca , vingt mille; pachachuaranca,
cent mille; hunu, un .million; iscaykunuj deux millions; qimça hunu,
trois millions Cette même marche, simple et régulièr’e, se manifeste
dans- plusieurs autres langues américaines dans lesquelles les expressions
numériques n’ont d’autre défaut que d’être extrêmement longues et très-difficiles
à prononcer pour les organes des Européens. Le besoin de compter se fait sentir
dans un état de la société qui précède de beaucoup celui que nous nommons
si vaguement l’état de civilisation.
Parmi cette multitude de peuples du nouveau- continent, dont nous
possédons la numération, il y en a quelques-uns qui, selon les missionnaires,
ne savent pas compter au delà de vingt ou de trente, et qui nomment beaucoup
tout ce qui excédé ces nombres. Mais on nous assure en même temps que,
pour désigner cent, ces nations font de petites piles de maïs ' de vingt
grains chacune ; ce qui prouve évidemment que les Jaruros de l’Orénoque
et les Guaranis du Paraguay comptent par vingtaines", comme les Mexicains
et les Muyscas, et que par stupidité; ou plutôt par l’extrême paresse
d’esprit propre aux Sauvages les plus intelligens, ils se facilitent la numération
de trois-virigts ou de quatre-vingts, en comptant à la manière des
enfans, soit par les doigts des pieds et des mains, soit en amoncelant des
grains de maïs. Lorsque les voyageurs rapportent que des nations entières
en Amérique ne comptent pas au delà de cinq, on ne doit pas prêter plus de
foi à cette assertion qu’on n’en prêteroit à celle d’un Chinois qui prétendroil
orgueilleusement que les Européens ne comptent pas au delà de dix, parce
que dix-sept et dix-huit sont des composés de dix et des premières unités.
Il ne faut pas confondre la prétendue impossibilité d’exprimer de grandes
quantités, avec les limites que le génie des différentes langues prescrit au
1 IIenvas, idea del Universo : Aritmelica di lutte le nazioni conosciute, Tom. x ix , p. 9 6 , 97 e t 106.
E T MONUMENS D E L ’AM É R IQ U E . 2.5 1
nombre des signes numériques non composés. Ces. limites se trouvent
atteintes, tantôt à cinq, tantôt à dix, tantôt à vingt, selon que les peuples se
plaisent à s’arrêter, en comptant les unités, iaux doigts d’une main, à ceux
de deux mains, ou à ceux des mains et des pieds ensemble.
Dans les idiomes des peuples américains, qui sont les plus éloignés du
développement de leurs facultés, six s’exprime par. quatre àrec deux, sept
par quatre arec trois', huit par cinq arec trois. Telles sont les langues dés
.Guaranis, et des Lulos: D’autres tribus, déjà un peu plus, avancées, par
exemple les Omaguas, et en Afrique les Yolofs et les Foulahs, sé servent de
mots qui signifient à là fois main et cinq, comme nous nous servons du
mot dix : chez eux sept est exprimé par main et deux., et quinze par trois
mains. En persan, péndj désigne cinq, et péntcha la main. Dans les chiffres
.romains on observe quelques tracés, d’un système dê-i numération quinaire :
les unités se multiplient jusqu’à ce que l ’on arrive à cinq qui a un signe
particulier, de même que cinquante et cinq cents Chez les Zamucas comme
chez les Muyscas, onze s’appelle piedun,,Aouze, pied deux; mais le reste *
la numération de ces peuples est d’une longueur fatigante, parce qu’au lieu
de mots simples ils se servent de circonlocutions puériles; ils disent par exemple,
la main finie, pour cinq, un de l'autre (main) pour six, les deux mains
finies pour dix , et les pieds finis pour vingt. Quelquefois c i dernier nombçe
est identique avec le mot homme ou personne, poiir indiquer que les deux
mains et les deux pieds constituent la personne entière. C’est ainsi que, chez
les Jaruros, noenipume sigoifie deux hommes 011 quarante, dérivant de
noeni, deux, et canipume, homme. Les Sapiboconos n’ont pas d'expression
simple pour cent et pour mille: ils disent pour dix, tunca; pour cent,
tunca-tunca; et pour mille, tunca-tunca-tunca. Ils forment les carrés et les
cubes par réduplication, comme les Chinois forment quelquefois leur pluriel et
les Basques leur superlatif. Enfin, les groupes de vingt unités ou les vingtaines
des Muyscas, des Mexicains et de tant d’autres nations de l’Amérique, se
retrouvent dans l ’ancien monde chez .les Basques et chez les habitans de
lArmorique. Les premiers comptent: un, bat ou unân; deux, bi ou daou-
trois, iru ou tri; vingt, aguei ou hugent; quarante, lerroguei ou daouhgent;
soixante, iruroguei ou irihugent. II est intéressant .de suivre dans la formation
■ Hehvas, p. =S, 9 6 , 10s, 10S. l i s , 1 .6 et 137. IToragedeMmco-Paicr, Tom. 1 , pag, a5 e to 5.