Pour exprimer la même idée, un Mexicain auroit représenté le grand esprit
Teotl, châtiant un criminel : certains caractères placés au-dessus de deuxttêtes
auroient suffi pour indiquer l ’âge de l’enfant et celui du veillard : il atiroit
individualisé l’action; mais le style de ses peintures hiéroglyphiques ne lùi
auroit pas fourni de moyen pour exprimer en général le sentiment de haine
et .de vengeance. \
D’après les idées que les anciens nous ont transmises des inscriptions hiéroglyphiques
des Égyptiens, il est très-probable quelles pouvoient être lues comme
on lit des livres chinois. Les recueils que nous appelons assez improprement des
manuscrits mexicains, renferment un grand nombre de peintures qui peuvent
être interprétées ou expliquées comme les reliefs de la colonne trajane ; mais
on n’y voit qu’un très-petit nombre de caractères .susceptibles d’être lus. Les
peuples aztèques avoient de vrais hiéroglyphes simples pour 1 eau, la terre,
l ’air, le vent,.le jour, la nuit, le milieu;de la nuit, la parole,vie mouvement;
ils .en avoient pour les nombres, pour les jours et les mois de l’année solaire :
ces signes, ajoutés à la peinture d’un événement, marquoient d’une manière
assez ingénieuse si l’action s’étoit faite le jour ou la nuit; quel étoit:1 âge des
personnes qu’on vouloit désigner; si elles avoient parlé, et laquelle entre elles
avoit parlé le plus. On trouve même chez les Mexicains des vestiges, de. ce genre
d’hiéroglyphes que l’on appelle phonétiques, et qui annoncent des rapports, non
avec la chose, mais avec la .langue parlée. Chez des peuples a demi barbares
les noms des individus, ceux des villes et des montagnes, font généralement
allusion à des objets qui-frappent les sens, tels, que la forme des plantes et des
animaux, le feu, l’air ou la terre. Cette circonstance a fourni des moyens aux
peuples aztèques de pouvoir écrire les noms des villes et ceux de leurs souverains.
La, traduction verbale d’Axajacatl, est visage d’eau ; • celle d îlhuicamina,
flèche qui perce le ciel : or, pour représenter les rois Moteuczoma Ilhuicamina
et Axajacatl, le peintre réunissoit les hiéroglyphes de l’eau et dù ciel à la figure
d’une tête et d’une flèche. Les noms des villes de Macuilxochitl, Quauhtinchan
et Tehuilojoccan signifient cinq fleurs3 maison de l’aigle, et lieu des miroirs.-:
pour indiquer ces trois villes, on peignoit une fleur placée sur cinq points, une
maison de laquelle sortoit la tête d’un-aigle, et un miroir d obsidienne. De
cette manière, la réunion de plusieurs hiéroglyphes simples indiquoit. les noms
composés ; elle le faisoit par des signes qui parloient a la fois aux yeux et a
l ’oreille : souvent aussi les caractères qui désignoient les villes et les provinces
étoient tirés des productions du sol ou de l’industrie des habitans.
Il résulte de l’ensemble de cês recherches, que les peintures mexicaines qui
se sont conservées jusqu’à nos jours offrent une grande ressemblance, non
avec l ’écriture hiéroglyphique des Egyptiens, mais bien avec les rouleaux de
papyrus trouvés dans l’enveloppe des momies, et que l’on doit aussi considérer
comme des peintures d’un genre mixte ¿ parce que des caractères symboliques
et isolés y sont ajoutés à la représentation d’une action : on reconnoît, dans ces
papyrus, des initiations,' des sacrifices, dés allusions à l’état de l’ame après la
mort, ides tributs payés aux vainqueurs, les effets bienfaisans de l ’inondation
du Nil et : les travaux de l’agriculture : parmi un grand nombre de figures
représentées en action, ou en rapport les unes avec les autres, on observe
de vrais hiéroglyphes, de ces caractères isolés qui appartenoient à l ’écriture.
Mais ce n’est pas seulement sur les. papyrus et sur les enveloppes de momies,
c’est sur les obélisques même -que l ’on trouve des traces de ce genre mixte,
qui réunit la peinture' à l’écriture hiéroglyphique :' la partie inférieure et la
pointe des obélisques égyptiens présentent généralement un groupe de deux
figures qui sont en rapport l’une avec l’autre, et que l ’on ne doit pas confondre1
avec les caractères isolés de l’écriture symbolique. ■
En comparant les peintures mexicaines avec les hiéroglyphes qui ornoient
les temples, les obélisques, et peut-être même les pyramides de l’Egypte; en
réfléchissant sur la marche progressive que l’esprit humain paroît avoir suivie
dans l’invention des moyens graphiques propres à exprimer des idées, on voit
que les peuples de l’Amérique étoient bien éloignés de cette perfection qu’avoient
atteinte les Égyptiens : en effet, les Aztèques ne connoissoient encore que très-
peu d’hiéroglyphes simples ; ils- en avoient pour les élémens comme pour les
rapports du temps et des lieux : or, ce n’est que par le grand nombre de ces
caractères, susceptibles d’être employés isolément¿ que la peinture des idées
devient d’un usage facile, et qu’elle se rapproche de Y écriture. Nous trouvons
chez les Aztèques le germe des caractères phonétiques : ils savoient écrire des
noms en réunissant quelques signes qui rappeloient des sons : cet artifice auroit
pu les conduire à la belle découverte d’un syllabaire ; il auroit’ pu les porter à
alphabétiser leurs hiéroglyphes simples ; mais que de siècles se.seroient écoulés
î Zcega, p. 438.