xVt i n t r o d u c t i o n .
en masse. L ’empire des Incas ressembloit à un grand établissement
monastique , dans lequel étoit prescrit, à chaque membre de' la:
congrégation, ce qu’il devoit faire pour le bien commun. En étudiant
sur les lieux ces Péruviens qui, à travers des siècles, ont conserve
leur physionomie nationale, on apprend à apprécier à sa juste valeur
le code des lois de Manco-Capac et les effets qu’il a produits sur les
moeurs et sur la félicité publique. I l y avoit une aisance générale ét
peu de bonheur privé; plus de résignation aux décrets du souverain
que d’amour pour la patrie; une obéissance passive sans courage pour
les entreprises hardies; un esprit d’ordre qui régloit minutieusement
les actions les plus indifférentes de la v ie , et point detendue dans les
idées, point d’élévation dans le caractère. L e s institutions politiques
les plus compliquées que présente l ’histoire de la société humaine
avoient étouffé le germe de la liberté individuelle ; et le fondateur de
l ’empire'du Couzco, en se flattant de pouvoir forcer les hommes a
être heureux, les avoit réduits à l’état de simples machines. L a théocratie
péruvienne étoit moins oppressive sans doute que le gouvernement
des rois mexicains; mais l’un et l’autre ont contribué à donner
aux monumens, au culte et à la mythologie de deux peuples montagnards,
cet aspect morne et sombre qui contraste avec les arts et lès
douces fictions des peuples de la Grèce. '
P a r is , au mois d’avril i 8 i 3 .
VUES PITTORESQUES
DES CORDIL LÈRE S ,
E T MONUMENS DES PEUP LES INDIGENES
DE L’AMÉRIQUE.
L es monumens des nations dont nous sommes séparés par un long interralle
de siècles, peuvent fixer notre intérêt de deux manières très-différentes. Si
les ouvrages de l’art parvenus jusqu’à nous appartiennent à des peuples dont
la civilisation a été. très-avancée, c’est par l’harmonie et la beauté des formes,
c’est par le génie avec lequel ils sont conçus qu’ils excitent notre admiration.
Le buste d’Alexandre, trouvé dans les jardins des Pisons, seroit regardé
comme un reste précieux de l’antiquité, quand même l’inscription n’indiqueroit
pas qu’il nous retrace les traits du vainqueur d’Arbèle. Une pierre gravée,
une médaillé des beaux temps de la Grèce, intéressent l’ami des arts par la
sévérité du style, par le fini de l ’exécution, lors même qu’aucune légende,
qu’aucun monogramme ne rattache ces objets à une époque déterminée de
l’histoire. Tel est le privilège de ce qui a été produit sous le ciel de l’Asie
mineure, et d’une partie de l’Europe australe.
Au contraire, les monumens des peuples qui ne sont point parvenus à un
haut degré de culture intellectuelle, ou qui, soit par des causes religieuses
et politiques, soit par la nature de leur organisation, ont paru moins sensibles
à la beauté des formes, ne peuvent être considérés que comme des monumens
historiques. C est à cette classe qu’appartiennent les restes de soulpture
répandus dans les vastes contrées qui s’étendent depuis les rives de l’Euphrate
jusqu’aux côtes orientales de l ’Asie. Les idoles du Thibet et de l’Indostan,
celles qu’on a trouvées sur le plateau central de la Mongolie, fixent nos
regards, parce quelles jettent du jour sur les anciennes communications des
peuples, et sur 1 origine commune de leurs traditions mythologiques.