bien au delà des limites de l’empire de Montezuma , jusqu’aux bords du
lac de Nicaragua, où les Toltèques, dans leurs migrations, avoient .porté leur
langue et leurs arts. Dans le royaume de Guatimala, les habitans de Teochiapan
conservoient des traditions qui remontoient jusqu’à l’époque d’un grand déluge,
après lequel leurs ancêtres, sous la conduite d’un chef appelé Votan 3 étoient
venus d’un pays situé vers le nord. Dans le village de Teopixca, il existoit
encore au seizième siècle des descendans de la famille de Votan ou Vodan
( ces deux noms sont les mêmes , les Toltèques et les Aztèques n’ayant pas
dans leur langue les quatre consonnes d , b, r et s ). Ceux qui ont étudié
l’histoire des peuples Scandinaves dans les temps héroïques, doivent être
frappés de trouver au Mexique .un nom qui rappelle celui de Vodan pu
Odin 3 qui régna parmi les Scythes,- et dont la race, d’après l ’assertion
très-remarquable de Beda', « a donné des rois à un grand nombre de peuples. »
S’il étoit vrai, comme plusieurs sayans font supposé, que ces.mêmes
Toltèques, qu’une peste, jointe à une grande sécheresse, avoit chassés du
plateau d’Anahuac vers le milieu du onzième siècle de notre ère, ont reparu
dans l’Amérique méridionale comme fondateurs de l’empire des Incas, pomment
les Péruviens n’auroient-ils. pas abandonné leurs quippus pour adopter l ’écriture
hiéroglyphique des Toltèqües? Presque à la même époque, au commencement
du douzième siècle, un évêque groenlandois avoit porté, non sur le continent
de l’Amérique, mais à la Terre-Neuve (Vinland), des livres latins, les mêmes
peut-être que les jpères Zeni2 y trouvèrent en i 38o.
Nous ignorons si des tribus de race toltèque ont pénétré jusque dans l’hémisphère
austral, non par les Cordillères de Quito et du Pérou, mais en
suivant les .plaines qui se prolongent à l’est des Andes, vers les rives, du
Maranon : un fait extrêmement curieux, et dont j’ai eu connoissance pendant
mon séjour à Lima, porteroit à le supposer. Le père Narcisse Gilbar, religieux
franciscain, avantageusement -• connu par son courage et par son esprit, de
recherche, trouva, parmi les Indiens indépendans Panos, sur les rives de
l’Ucayale, un peu au nord de l’embouchure du Sarayaçu., des cahiers, de
peintures qui, par leur forme extérieure, ressembloient parfaitement à nos
livres in-quarto : chaque feuillet avoit trois décimètres de long, sur deux de
1 Beda, IïïsL eccles., Lib. I , C. X V . Francisco Ntjsez de l a Ve g a, Gonsliluliones synodales, p. 74-
3 Yiaggio de’ fratelli Z eni (Ven ez ia , 1 8 0 8 ), p . 67.
large ; la couverture de ces cahiers étoit formée de plusieurs feuilles de
palmiers collées ensemble , et d’un parenchyme très'-épais : des morceaux
de toile de coton, d’un tissu assez fin, représentaient autant de feuillets,
qui étoient réunis par des fils de pitte. Lorsque le père Gilbar arriva parmi
les Panos, il .trouva un vieillard assis au pied d’un palmier, et entouré de
plusieurs jeunes gens -auxquels il expüquoit le contenu de ces livres.. Les
sauvages ne voulurent d’abord pas souffrir qu’un homme blanc s'approchât
du vieillard : ils firent savoir au missionnaire, par l’intermède^ des Indiens de
Manoa, les seuls qui entendoienj la langue des Panos , « Que ces peintures
« contenoient des choses cachées qu’aucun étranger ne dévoit, apprendre. »
Ce ne fiat qu’avec beaucoup de peine que le père Gilbar parvint à se procurer
un de cés cahiers, qu’il envoya à Lima pour le faire voir au père Cisneros,
savant rédacteur d’un journal1 qui a été traduit en Europe. Plusieurs personnes
de ma connoissance ont eu'en main .ce»livre de l’Ucayàle, dont
toutes les pages étoient couvertes ae peintures : on y distingua des figures
d’hommes et d’animaux,.et un grand nombre de caractères isolés, que l’on
crut hiéroglyphiques, et qui étoient rangés par lignes, avec un ordre et une
symétrie admirables : on fut frappé surtout de la vivacité- des couleurs ;.mais
comme personne à Lima n’avoit eu. occasion .de voir un fragment de manuscrits
aztèques, on ne put juger de l’identité du.Style entre des peintures trouvées à
une distance de huit cents lieues les unes des autres.
Le père Cisneros voulut fairè déposer ce. livre-au ccJftyent des missions
dOcopa ; mais soit que la personne à laquelle il le confia le perdît au passage
de la Cordillère, soit qu’il fut soustrait et envoyé furtivement en Europe, il
est certain qu’il n’arriva point : au ■ lieu de sa première destination : toutes les
recherches faites pour retroüver un objet aussi, curieux t>nt été inutiles, et on
regretta trop tard de n'avoir pas fait copier ces caractères. Le missionnaire
Narcisse Gilbar,-avec lequel j ’ai été lié .d’amitié pendant mon séjour-à Lima,
m’a promis de tentér tous les moyens pour se procurer un autre cahier de ces
peintures des Panos®: il sait qu’il en existe plusieurs parmi eux; et qu’ils disent
eux-mêmes que ces livres leur ont été transmis par leurs pères. L ’explication
qù’ils donnent de ces peintures paroît fondée sur une tradition antique qui se
perpétue dans quelques familles. Les Indiens de Manoa que le père Gilbar
1 E l Mercurio peruano.
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