Le groupe des pyramides de Téotihuaean se trouve dans la vallée de Mexico ,
à huit.lieues de distance au nord-est delà capitale, dans une plaine qui porte le
nom de Micoatl, ou de Chemin des morts. On y observe encore deux grandes
pyramides1 dédiées au Soleil (Tonatiuh) et à la lune (Meztli) , et entourées
de plusieurs centaines de petites pyramides, qui forment des rues dirigées
exactement du nord au sud et de l ’est à l ’ouest. Des deux grands téocallis, l ’un
a cinquante-cinq, l ’autre quarante-quatre mètres d’élévation perpendiculaire. La
base du premier a deux cent huit mètres de long; d’où il résulte que le Tonatiuli
Yztaqual, d’après les mesures de M. Oteyza, faites en i 8o3 , est plus élevé que le
Mycerinus, ou la troisième des trois grandes pyramides de Djyzeh en Egypte,, et
que la longueur de sa base est à peu près celle du Céphren. Les petites pyramides
qui entourent les grandes maisons de la lime et du soleil ont à peine neuf à dix
mètres d’élévation : d’après la tradition des indigènes, elles servoient à la sépulture
des chefs des tribus. Autour du Chéops et du Mycerinus en Egypte, on distingue
aussi huit petites pyramides placées avec beaucoup de symétrie, et parallèlement
aux faces des grandes. Les deux téocallis de Téotihuaean avoient quatre assises
principales : chacune d’elles étoit subdivisée en petits gradins, dont on distingue
encore les arêtes. Leur noyau est d’argile mêlée de petites pierres : il est revêtu
d’un mur épais de tezontli ou amygdaloïde poreuse. Cette construction rappelle
une des pyramides égyptiennes de Sakharab, qui a six assises, et qui, d’après
le récit de Pococke*, est un amas de cailloux et de mortier jaune, revêtu par
dehors' de pierres brutes. A la cime des grands téocallis mexicains se trouvoient
deux statues colossales du soleil et de la lune : elles étoient de pierre, et-eùduites
de lames d’or; ces lames furent enlevées par les soldats de Cortez. Lorsque
l’évêque Zumaraga, religieux franciscain^ entreprit de détruire tout ce qui
avoit rapport au culte, à l’histoire et aux antiquités des peuples indigènes de
l ’Amérique, il fit aussi briser les idoles de la plaine de Micoatl. On y découvre
encore les restes d’un escalier construit en grandes pierres de taille, et qui
conduisoit anciennement à la plate-forme du téocaüi.
A l’est du groupe des pyramides de Téotihuaean, en descendant la Cordillère
vers le golfe du Mexique, dans une forêt épaisse appelée Tajin, s’élève la pyramide
de Papantla : c’est le hasard qui l’a fait découvrir à des chasseurs espagnols,
1 Eclaircissemens de M. L anglès au Voyage de Norden, Tom. U I, pag. 527, n.° 2. '
* Voyage de P ococke; cdiL de NcucMlel, 1762, Tom. I , pag. i4-7-
E T MONUMENS DE L ’AM ÉR IQ U E ,
il r iy a pas trente ans; car les Indiens se plaisent à cacher aux blancs tout ce
qui est l’objet d’une antique vénération. La forme de ce téocaüi, qui a eu
six, peut-être même sept étages, est plus élancée que celle de tous les autres
monumens de ce genre : sa hauteur est a peu près de dix-huit mètres, tandis que
la longueur de sa base n’est que de vingt-cinq; il est par conséquent presque
de moitié plus bas que la pyramide de Caïus Cestius, à Rome, qui a trente-
trois mètres de hauteur. Ce petit édifice est tout construit en pierres de taille
d’une grandeur extraordinaire, et d’une coupe très-belle et très-régulière : trois
escaliers mènent à sa cime ; le revêtement de ses assises est orné de sculptures
hiéroglyphiques, et de petites niches qui sont disposées avec beaucoup de
symétrie : le nombre de ces niches paroît faire allusion aux trois cent dix-huit
signes simples et composés des jours du Cempohualilhuitl, ou calendrier civil
des Toltèques.
Le plus grand, le plus ancien et le plus célèbre de tous les monumens
pyramidaux d’Anahuac, est le téocaüi de Cholula. On l ’appelle aujourd’hui
la montagne faite à mains d'homme (monte hecho a mano). A le voir de loin,
on seroit en effet tenté de le prendre pour une colline naturelle couverte de
végétation. C est dans son état de dégradation actuelle que cette pyramide est
représentée sur la septième Planche.
Une vaste plaine, celle de la Puebla, est séparée de la vallée de Mexico par
la chaîne de montagnes volcaniques qui së prolongent depuis le Popocatepetl,
vers Rio Frio et le pic du Telapon1. Cette plaine fertile, mais dénuée d’arbres,
est riche en souvenirs qui intéressent l’histoire mexicaine : elle renferme les
chefs-lieux des trois républiques‘ de Tlascalla, de Huexocingo et de Cholula,
qui, malgré leurs dissensions continuelles, n’en résistoient pas moins au
despotisme et à l ’esprit d’usurpation des rois aztèques.
La petite ville de Cholula, que Cortez, dans ses lettres à ^’empereur
Charles-Quint, compare aux villes les plus populeuses de l’Espagne, compté
aujourd hui a peine seize mille habitans. La pyramide se trouve à l ’est de la
ville, sur le chemin qui mène de Cholula à la Puebla. Elle est très-bien conservée
du côté de 1 ouest, et c’est la face occidentale que présente la gravure que nous
publions. La plaine de Cholula offre ce caractère de nudité qui est propre à
des plateaux élevés de deux mille deux cents mètres au-dessus du niveau de
* Voyez mon Atlas mexicain, PL m et IX.