de Huixachtecatl, on attendoit l’instant où les Pléiades occupoient le milieu du
ciel, pour commencer l’épouvantable sacrifice dont nous avons parlé plus haut1,
et qui est représenté Planche x v , n.° 8. Le cadavre de la victime restait éténdü
sur la terre, et l’instrument dont on se servoit pour allumer le feu par frottement
( Trupsia chez les Grecs, tletlaxoni chez les Mexicains), étoit placé dans la plaie
même que le prêtre de Copulco, armé d’un couteau d’obsidienne, avoit faite dans
la poitrine du prisonnier destiné au sacrifice. Lorsque^)es parcelles de bois ( la
harina del palillo ) , détachées par le frottement rapide du cylindre, avoient pris
feu, on allumoit un énorme bûcher qui avoit été préparé d’avance pour recevoir
le corps de la malheureuse victime. Le peuple jetait des cris de joie ; la lueur du
bûcher pouvoit être vue dans une grande partie de la.vallée de Mexico, à cause
de la hauteur de la montagne sur laquelle Se faisoit cette sanglante cérémonie.
Tous ceux qui n’avoient pu suivre la procession étaient placés sur les terrasses
des maisons, sur les sommets des téocallis, sur les collines qui s’élèvent au
milieu du lac, les yeux fixés sur le lieu où devoit paroître la flamme, présage
certain de la bienveillance des dieux * et de là conservation du genre humain
pendant le cours d’un cycle nouveau. Des messagers, postés dè distance en
distance, et tenant des torches de bois de pin très-résineux, portaient le feu
nouveau de village en village, jusqu’à la distance de quinze ou vingt lieues ; on
le déposoit partout dans les temples, d’où il étoit distribué dans les maisons des
particuliers. Lorsqu’on voyoit le .soleil se lever sur l’horizon, l’allégresse redoubloit,
la procession retournoit de la montagne d’Iztapalapan à la ville, et le peuple
croyoit voir rentrer ses dieux dans leurs sanctuaires. Alors les femmes sortoient
de leur prison : on se paroit de nouveaux habits, et l ’on employoit les treize
jours intercalaires à nettoyer les temples, à blanchir les murs, et à renouveler
les meubles, la vaisselle et tout ce qui sert à la vie domestique.
Cette fête séculaire, cette crainte de voir le cinquième soleil s’étëindre à
Tépoque du solstice d’hiver, semble offrir un nouveau trait d’analogie entre les
Mexicains et les habitans de l ’Egypte. Achilles Tatiùsa, dans son commentaire
sur Aratus, nous a conservé la notice suivante, que Scaliger croit être
' Pag. 100.
a A ciiill. T a t., Isag. in Phoenom., c. 23 (Petavius de Doctr. lempor., iyo3, Tom. u i, pag. 85.) S calig. ,
Adnoi. ad Manil. Astron., Lib. i , v. 6g, pag. 85. Voyez aussi la traduction des Lettres du comte
C a r li , Tom. î , pag. 3g8 , not. î.
empruntée de I Octaétéride d Eudoxe : « Les ' Égyptiens , lorsqu'ils voyoient
descendre le soleil du cancer vers le capricorne , et que les'jours se ràccour-
cissoient de plus en plus, avoient.coutume de gémir, craignant quefle soleil
ne les abandonnât entièrement. Cette époque coïncidoit avec la fête d’Isis :
mais quand l’astre, commençoit à se montrer deïnouveau, et que la durée
des jours devenoit plus grande , ils mettaient des habits blancs , et ise
couronnoient de fleurs (^evxa/zovltravreç hrevawôpwntv ).» En lisant ce passage
d’Achilles Ta tins, On croit lire ce que Gomara et Torquemada rapportent de la
fête du jubilé- mexicain : de même ■ que, dans l’ouvrage de Sextus Empiricus "
contre:les astrologues, on trouve pour ainsi dire décrite la figure symbolique3
que nous avons fait représenter Planche x v , d’après le manuscrit conservé à
Vdetri. Chez tous les peuples de la terre,, les idées superstitieuses prennent la
même forme au commencement et au déclin de la civilisation, et c’est à cause
de -cette analogie qu’il est difficile de distinguer cé qui a été communiqué de
nation à nation, et c e que les hommes ont puisé dans une source intérieure.
En parlant de la fête séculaire, ftqpère Torquemada désigne l ’instant du
sacrifice d’une manière très-précise en apparence, mai qui renferme une
contradiction -réelle : « Lorsque la procession, dit-il3, arrivoit à la montagne
d Huixachtecalt, les prêtres attendoient qu’il fut minuit, ce qu’ils reconnoissoient
par la position des Pléiades, qui, à cette heure, étaient montées au milieu du
ciel (estafan encumbradas en medio del cielo): car le temps du jubilé ou de
la fêle séculaire était venu quand ces étoiles se levoient au commencement
de la nuit; ce qpl, pour l'horizon du Mexique, est généralement au mois de
décembre.» L ’expression .lorsque les Pléiades se trouvent au milieu du
ciel.» signifie sans doute le passage de ces étoiles par le méridien, ou ce
qui est à peu près la même chose pour la latitude de Mexico, leur passage par
le zénith. Or, la dernière fête séculaire fut célébrée dans la-sixième année
du règne de Montezuma, et, à cette époque, la culmination des Pléiades avoit
lieu à minuit, en tenant compte de la précession des équinoxes, non au-mois
‘ Depuis, Mém. explicatif du zodiaque, 1806, pag. i 45.
* Sbxt. Empir. contra Matliem., Lib. v ( ed. Stephan., Tom. n i , pag. 187). F irhicus, Lib. 11, c; 27 '
(ed. Aid. Manut.} i 5o3, fol. cv). Ôrigeh. contra Celsuni, Lib. vm, c» 55 (ed. Delarue 1733
Tom. , 8 5 ).
3 Voyez plus haut pag. g o , Pl. xv.
4 Torquemada, Tom. in , pag. 5i3 b. et 321 a.