chargea de faire des recherches sur le sens de ces caractères, crurent deviner
qu’ils indiquoient des voyages et d’anciennes guerres avec des hordes voisines.
Les Panos diffèrent aujourd’hui très-peu du reste des sauvages qui habitent
ces forêts humides et excessivement chaudes : nus, vivant de bananes et du
produit de la pêche, ils sont bien éloignés de connoître la peinture, et de sentir
le besoin de se communiquer leurs idées par des signes graphiques. Gomme
la plupart des tribus fixées sur les.rives des grands fleuves de l’Amérique
méridionale, ils ne paroissent pas très-anciens dans le lieu où on les trouve
maintenant: sont-ils les foibles restes de quelqùe peuple civilisé retombé
dans. l'abrutissement, ou descendent-ils de ces mêmes Toltèques qui ont porté
l’usage des peintures hiéroglyphiques à la Nouvelle-Espagne, et que, poussés
par d’autres peuples, nous voyons disparoître aux rives du lac, de Nicaragua ?
Voilà des questions d’un grand intérêt pour l’histoire de l’homme ; elles se
lient à d’autres dont l’importance n’a pas été suffisamment sentie jusqu’ici.
Des rochers granitiques qui s’élèvent dans les savanes .de la Guayane, entre
le Cassiquiare et le Conorichite, sont couverts de figures de tigres, de
crocodiles, et d’autres caractères que l’on pourroit croire symboliques. Des
dessins analogues se trouvent tracés cinq cents lieues au nord et à l’ouest, sur
les rives de l’Orénoque, près de l ’Encaramada. et de Caicara, sur les bords
du Rio Cauca, près de Timba, entre-Cali et Jelima ; enfin, sur le plateau
même des Cordillères, dans Je Paramo de Guanacas. Les peuples indigènes de
ces régions ne coruaoissent pas l ’usage des outils métalliques : tous conviennent
que ces caractères existaient déjà lorsque leurs ancêtres arrivèrent dans Ces
contrées. Est-ce à une. seule nation industrieuse, adonnée à-la sculpture,
comme l’étaient les Toltèques, le.s Aztèques, et tout le groupe de .peuples
sorti d’Aztlan, que sont dues ces traces d’une ancienne civilisation ? En quelle
région doit-on placer le.foyer de cette culture? Est-ce au nord du Rio Gila,
çur le plateau du Mexique, ou bien dans l’hémisphère du sud, dans ces
plaines élevées de' Tiahuanacu, que les Incas même trouvèrent déjà couvertes
de ruines, d’une grandeur imposante., et que l ’on peut5 considérer comme
le Himala et le Thibet de l’Amérique méridionale? Ces problèmes ne peuvent
être résolus dans l ’état actuel de nos connoissances.
Nous venons d’examiner les rapports qu’offrent les peintures mexicaines
avec les hiéroglyphes de l ’ancien monde : nous avons tâché de répandre quelques
lumières Sur l’origine et les migrations des peuples qui ont introduit à la
Nouvelle-Espagne l ’usage de l’écriture symbolique et la fabrication du papier :
il nous reste-à indiquer les manuscrits ( codices mexicani) qui, depuis le
seizième siècle, ont passé en Europe, et qui sont conservés dans les bibliothèques
publiques et particulières. On sera étonné de remarquer combien sont
devenus rares ces monumens précieux d’un peuple qui, dans sa marche vers la
civilisation, paroît avoir lutté contre lest mêmes obstacles qui s’opposent à
l’avancement des arts chez toutes les nations du nord et même de l’est de l’Asie;
D’après les recherches que j ’ai faites, il paroît qu’il n’existe aujourd’hui
en Europe que six- collections de peintures mexicaines : celles de l’Escurial,
de Bologne, de Veletri, de Rome, de Vienne et de Berlin. Le savant jésuite
Fabrega, qui est souvent cité dans- les ouvrages de M. Zoega,- et dont le
chevalier Borgia, neveu du cardinal de Ce nom , a bien voulu me communiquer
quelques manuscrits relatifs aux antiquités aztèques, suppose que les archives
de Simancas en Espagne renferment aussi quelques imes de ces peintures
hiéroglyphiques que Rohertson désigne si bien par le mot dé picture-writings.
Le recuéil conservé à YEscurial a été examiné par M. Waddilove" j aumônier
de l’ambassade angloise à Madrid du temps- de la mission de lord Grantham :
il a la forme d’un livre in-folio, ce qui pourroit faire Soupçonner, qu’ii n’eSt
qu’une copie d’un manuscrit mexicain, car les originaux que j’ai examinés
ressemblent tous à des volumes in-quarto. Les objets représentés paroissent
prouve? que le recueil de l’Escurial, comme ceux d’Italie-et de Vienne, sont
ou des livres astrologiques ou de vrais rituels qui indiquoient les cérémonies
religieuses prescrites pour tel ou tel jour du mois. Au bas de chaque page se
trouve une explication.en espagnol, qui a été ajoutée lors de la conquête;
Le reeueil.de Bologne est déposé à la bibliothèque de'l’Institut dès sciences
de cette ville : on ignore son origine, mais o n lit sur la première.page, que
cette peinture, qui a 320 centimètres (onze palmi romani) de longueur, a été
cédée, le 26 décembre i 665, par le comte Valerio Zani au marquis de Caspi.
Les caractères, qui sont tracés sur une peau épaisse et mal préparée, paroissent
en grande partie avoir rapport à la forme des constellations et à des idées
astrologiques. Il existe une copie au simple trait de ce codex mexidanus de
Bologne, dans le musée du cardinal Borgia, à Veletri.
1 Robertson’s Histoij o f America, 180a, Vol. EU, p. 4o3.