83. Ce principe servira aussi à nous faire distinguer
un corps seulement accessoire à une combinaison ,
et qui ne constitue qu’une simple variété, de celui qui
change complètement la combinaison en y entrant
comme partie essentielle, soit par sa quantité, soit par
la force de son affinité.
de combinaison que nous prenons pour type de l’espèce minéralogique
; cependant, comme cette question est d’une assez grande
importance pour la détermination de cette espèce, je ne puis me dispenser
d’ajouter quelques développemens à ce que j’ai dit dans le texte.
J’ai pris l’exemple du mercure argentai, comme un des plus
frappans. Le mercure et l’argent semblent, en effet, pouvoir se
réunir dans toutes les proportions ; mais, parmi ces combinaisons,
on n’en connoît encore qu’une seule qui donne des cristaux appartenant
tous à une même forme primitive.
Ce que nous disons du mercure argentai pourroit peut-être s’appliquer
à beaucoup d’alliages , notamment à celui nommé argent
antimonial; et si l’on ne connoit pas encore les autres alliages cristallisés
, c’est que ces alliages devenant solides par le refroidissement,
les molécules métalliques ne sont plus libres de se balancer pour se
réunir de manière à former des corps réguliers à proportions déterminables.
Il est possible qu’en maintenant ces alliages liquides pendant
un certain temps, qu’en les décantant avec certaines précau-.
lions , on obtienne de quelques-uns d’entre eux des cristaux particuliers
, dans lesquels les métaux seroient constamment réunis à-peu-
près dans les mêmes proportions.
Ce qu’on nomme éthiops est, d'après les dernières expériences de
MM. Fourcroy et Thénard, un sulfure noir de mercure, dans lequel
le mercure et le soufre se rencontrent dans des proportions variables :
on ne connoît point ce sulfure cristallisé. Le cinnabre, au contraire
, qui est du mercure sulfuré rouge cristallisé , contient toujours
les mêmes proportions de mercure et de soùfre.
Le verre paroît être dans le même cas que les alliages. La silice
peut s’unir en toute proportion avec l’alcali ; mais si cette combinaison
est tenue liquide pendant un certain temps, il s’établit un ou
peut-être plusieurs points déterminables de saturation ; et le nouveau
verre qui se produit, se sépare sous forme de cristaux. Ce verre
cristallisé est une combinaison de silice et d’alcali, qui nous paroît
être d’un autre ordre que la première. Il est probable qu’on ne
pourroit pas changer les proportions de l’un des principes de ce verre
cristallisé, sans changer en même temps la forme primitive de se*
cristaux.
Ainsi, dès qu’un sel, un alliage métallique , ou toute autre corh-
Dans le cas où le corps ajouté à la combinaison
u’y est qu’accessoire, la molécule intégrante reste la
même, elle conserve la même forme, et ses parties constituantes
n’éprouvent aucun changement dans leurs
proportions. Le corps accidentel peut varier au contraire
de proportion ou même de nature, et il tient
binaison cristallisent, les cristaux qu’ils donnent, et qui appartiennent
à une même forme primitive , présentent assez généralement les
mêmes proportions'’ dans leurs principes. La cristallisation indique
donc dans beaucoup de cas des limites dans les proportions des combinaisons
; et ce sont ces limites qui nous serviront à circonscrire
les espèces. Nous le ferons avec d’autant plus de raison , que la;
plupart des minéraux homogènes offrent dans U nature les mêmes
rapports entre leurs principes essentiels. Cette circonstance sem-
bleroit prouver que, si les mêmes corps peuvent s’unir en proportions
très-variées, il y a parmi ces proportions certains termes qui
indiquent une sorte d’équilibre dans leur union.
On peut faire ou conserver dans un laboratoire des combinaisons
des mêmes corps, qui diffèrent entre elles par les proportions, parce
qu’on est le maître de tenir ces combinaisons isolées , et de ne leur
donner qu’nne certaine quantité d’un dé leurs principes: mais dans
la nature , les corps mêlés, et pour ainsi dire ressassés perpétuellement
, ont dû se réduire d’eux-mêmes aux proportions que nous
regardons comme des termes de combinaisons déterminés par la
forme primitive. Le temps et les circonstances leur ont permis de
prendre ce qui leur manquoit, ou de perdre ce qu’ils avoient de
trop pour atteindre à ces termes. Ainsi, non-seulement la plupart des
espèces de minéraux se présentent dans la nature chacune avec les
mêmes principes réunis dans des proportions déterminables ; mais
encore on ne connoît parmi eux que très-peu d’espèces dont les
différences soient uniquement fondées sur la diversité de proportion
dans leurs principes constituans.
Par exemple , parmi les corps naturels dont les principes ont une
forte affinité l’un pour l’autre, les oxides sont les seuls dans lesquels
les proportions variables d’oxigènes établissent plusieurs espèces crisT
tallisées : encore ces espèces se réduisent-elles à deux au plus pour
un même métal. Ainsi, l’on ne connoît dans la nature que deux oxides
de fer cristallisés , deux d’urane, deux de cuivre. Il est probable que
les terres, qui ont entre elles des affinités moins fortes , se réunissent
dans des proportions plus variées. C’est ce que l’analyse encore
très-imparfaite, de ces minéraux n’a pu nous faire connoître et
c’est cependant ce qu’il faudra savoir avant d’établir parmi les pierres
une bonne classification chimique.
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