152 H i s t o ir e Na t u r e l l e .
fournilfant rien de pareil, rien de vivant, il étoit évident que
la fécondité qu’on leur attribuoit, appartenoit au contraire
aux mâles; qu’il n’y avoit que dans la femence de ceux-
ci où l ’on vît quelque chofe de vivant, que ce qu’on y
voyoit, étoit de vrais animaux, & que ce fait tout feul avan-
çoit plus l’explication de la génération que tout ce qu’on
avoit imaginé auparavant, puifqu’en effet ce qu’il y a de
plus difficile à concevoir dans la génération, c ’eft la production
du vivant, que tout le refte eft acceffoire, &
qu’ainfi on nepouvoit pas douter que ces petits animaux
ne fuffent deftinez à devenir des hommes ou des animaux
parfaits de chaque efpèce ; & lorfqu’on oppofoit aux par-
tifans de ce fyftème, qu’il ne paroiffoit pas naturel d’imaginer
que de plufieurs millions d’animalcules, qui tous
pouvoient devenir un homme, il n’y en eût qu’un feul qui
eût cet avantage ; lôrfqu’on leur demandoit pourquoi cette
profufion inutile de germes d’hommes , ils répondoient
que c ’étoitla magnificence ordinaire de la Nature, que
dans les plantes & dans les arbres on voyoit bien que de
plufieurs millions de graines qu’ils produifent naturellement,
il n’enréuffit qu’un très-petit nombre, & qu’ainfi
on ne devoit point être étonné de celui des animaux Iper-
matiques, quelque prodigieux qu’il fût. Lorfqu’on leur
objeéloit la petitelfe infinie du ver Ipermatique, comparé
à l’homme, ils répondoient par l’exemple de la graine des
arbres,. de l ’orme, par exemple, laquelle comparée à
l ’individu parfait eft aüfli fort petite , & ils àjoûtoient
avecâffez,de fondement, des.raifbnsmétaphyfiques, par
lefqueiies
lelquelles ils prouvoient que le grand & le petit n’étant que
des relations, le paflage du petit au grand ou du grand au
petit s’exécute par la Nature avec encore plus de facilité
que nous n’en avons à le concevoir.
D ’ailleurs, difoient - ils, n’a - t -o n pas des exemples
très-fréquens de transformation dans les infeéles ï ne voit-
on pas de petits vers aquatiques devenir des animaux
aîlez, par un fimple dépouillement de leur enveloppe,
laquelle cependant étoit leur forme extérieure & apparente!
les animaux fpermatiques par une pareille transformation
ne peuvent-ils pas devenir des animaux parfaits !
Tout concourt donc, concluoient-ils, à favorifer ce fÿf-
tème fur la génération, & à faire rejeter le fyftème des
oeufs; & fi l’on veut abfolument, difoient quelques-uns,
que dans les femelles des vivipares il y ait des oeufs
comme dans celles des ovipares, ces oeufs dans les unes
& dans Jes autres ne feront que la matière néceffaire à
l ’accroiffement du ver Ipermatique, il entrera dans l’oeuf
par le pédicule qui l’attachoit à l’ovaire, il y trouvera une
nourriture préparée pour lui, tous les vers qui n’auront
pas été affez heureux pour rencontrer cette ouverture du
pédicule de l’oeuf, périront, celui qui feul aura enfilé ce
chemin, arrivera à fà transformation : c ’eft par cette raifon
qu’il exifte un nombre prodigieux de ces petits animaux,
la difficulté de rencontrer un oeuf & enfuite l ’ouverture
du pédicule de cet oeuf, ne peut être compenfée que par
le nombre infini des vers ; il y a un million, fi l ’on veut, à
parier contre un, qu’un tel ver fpermatique ne rencontrera
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